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Dès que nous sommes arrivés près du terrain du rugby, j'ai su que j'allais perdre ma voix à cause de ce match. L'ambiance avait déjà été inaugurée par les premières minutes de jeu. Les équipes et leurs supporters respectifs étaient en feu, motivés en dépit de la nuit, du froid et de la pluie fine.

Même Ayden montrait un tant soit peu d'enthousiasme dans les gradins. On l'avait retrouvé en compagnie d'un ami de Leander, Regan, que j'avais appris à adorer en une soirée, cet été. Ce dernier avait une humeur capable de chasser la moindre mauvaise onde. Alors, j'étais persuadé qu'il y était pour quelque chose dans l'attitude décontractée d'Ayden. Ou peut-être est-ce le fait de voir son petit protégé si bien se débrouiller sur le terrain.

– Tiens, m'esclaffé-je en tendant un mouchoir à Ayden.

– Qu'est-ce que tu fous ? râle-t-il sans oser décoller son regard du terrain.

– Pour essuyer tes larmes de fierté.

Il éclate de rire, mais chasse le mouchoir d'un geste de main vif. À vrai dire, j'étais tout aussi gonflé de fierté. Notre ami se démarquait non seulement de l'équipe adverse, mais aussi de son équipe, avec sa vitesse hors-norme et sa fureur indomptable. Même ses deux amis du camp, qui l'ont poussé à démarrer ce sport avec eux, ne démontraient pas autant de prouesses.

– Va plutôt sécher ceux de ta copine, objecte-t-il.

Un regard circulaire me permet d'apercevoir Lovegood à la fin des gradins. Elle s'est également laissée embarquer par l'engouement du groupe, mais est restée pensive tout au long du premier temps de jeu.

– Je compte sur toi pour les secouer à ma place !

Ayden me tue de ses yeux austères tandis Regan explose de rire face à mon sous-entendu explicite. Je lui tends pourtant les pompons prêtés par Maddie que je prends plaisir de remuer depuis plus de quarante minutes.

– M'approche pas avec ces trucs, me prévient-il de sa voix rauque.

– Tu me déçois. J'attendais plus de soutien de ta part, surjoué-je. Au moins, pour Leander...

– Nora, tu t'en occupes ? Ou je vais devoir lui en foutre une !

Dans son dos, je me penche pour lui offrir un câlin et rigole encore plus en le sentant me repousser. Je laisse tomber les pompons dans les mains que me présente Nora.

– Toi, t'es une vraie !

Je me précipite vers Maddie qui pianote sur son téléphone portable. Elle ne remarque pas tout de suite mon arrivée.

– Tout va bien ?

– Impecc', assure-t-elle d'une petite voix. Je vais devoir y aller. Ma mère ne veut pas que je rentre trop tard.

– Il est pas encore 19 h, c'est assez tôt, non ?

– Ça dépend pour qui. Tu diras à Leander que c'était super et que je suis navrée de ne pas être restée jusqu'à la fin.

– Non.

Ses pupilles bleues se dressent vers moi, parcourues d'une lueur d'incompréhension. Son bonnet gris bien enfoncé sur sa tête la rajeunit de quelques années. Elle me paraît soudain démunie et je me sens con de la faire marcher plus longtemps.

– Je lui dirais pas parce que je reste pas non plus. Je te raccompagne, lui souris-je.

– Oh non, Nills, je te remercie, mais tu n'as pas à le faire.

– J'y tiens. Je vais pas te laisser rentrer seule, en bus, alors qu'il fait déjà nuit !

– Je le fais tout le temps quand je reviens du travail, me signale-t-elle indépendante.

On My WayOù les histoires vivent. Découvrez maintenant