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Il n'y a rien à redire, l'équipe de Seattle joue à haut niveau. Chacun des joueurs nous en fait voir de toutes les couleurs et s'amuse à repousser nos limites. Toutefois, ces dernières commencent à s'effriter dès la fin de la première période. Les défenseurs sont à cran, défiés par l'excellente cohésion de nos adversaires et les attaquants sont épuisés par l'énergie particulière de ce match.

Heureusement, nous collons au score : 2-2. Nous pourrions nous en contenter mais notre état physique et mental prouve notre manque flagrant d'entraînement et la coach Martel nous le fait bien comprendre à la pause. Elle ne se gêne pas de nous passer le plus gros savon de notre vie sans oublier le moindre joueur. Si certains s'en offusquent, la plupart des mecs se servent de ces remontrances pour retourner plus voraces que jamais sur la glace.

— Faut que vous vous espaciez plus, on doit jouer plus aéré les mecs ! conseillé-je ma formation avant que l'on se place pour l'engagement. Adam & Eve, collez au cul du 86 et du 17, empêchez-les de nous avoir.

J'ai remarqué comme ces deux essayaient de rentrer dans Nashoba cherchant sans doute à provoquer une blessure. Face au jeu brutal de Seattle, ce n'est pas étonnant que notre ligne technique ne fasse pas tout à fait le poids contrairement à la ligne plus férue de Maximus qui s'en sort pas mal. Je plonge mon regard dans celui d'Erwin, attentif et pleinement investi dans notre mission principale : gagner coûte que coûte.

Winner, monte pas autant à la cage quand ils foncent dans notre zone, tu rates des échappées.

Son hochement de tête me convainc qu'en plus d'avoir entendu, il compte appliquer mon conseil. Comme moi j'applique celui que m'a donné le capitaine quelques minutes plus tôt. Max souhaite que je joue davantage mon rôle de capitaine adjoint au sein de ma ligne qui se montre fragile ce soir. Alors, je le fais avec un naturel plutôt déconcertant. Entraîner les équipes des petits et des féminines m'a sûrement aidé à me forger ma carapace.

L'arbitre ne fait pas durer le suspense lâchant le palet d'une manière nonchalante. Son geste me permet de prendre le centre adverse par surprise, je me rue sur lui et l'oblige à reculer d'un coup d'épaule. En même temps, je dégage le palet dans mon dos puis fonce vers la zone suivante. C'est Everett qui me remet une passe. Je dépasse à peine la ligne bleue qu'une masse lourde me plaque contre la balustrade, sous le déchainement immédiat des spectateurs, et m'empêche de bouger.

J'ignore la douleur vive dans mes côtes pour faire vriller le palet de sa crosse à l'aide d'un coup de patin – seul mouvement qui me soit autorisé. Alors, le 17 se dégage et distribue la rondelle noire à un attaquant rouge qui fuse de l'autre côté de la patinoire. Je ne perds pas de temps pour suivre le mouvement rattrapant le cœur de l'action pile à l'instant où Adam met sa force surhumaine à notre service. Son épaule cogne tout à coup le torse du joueur et effectue une belle mise en échec qui nous permet de récupérer le palet.

Je hurle le nom de mon défenseur dès l'instant où je suis dégagé puis réceptionne l'objet de convoitise avec une adrénaline particulière. C'est à la fois une sorte d'appréhension et de pressentiment. Une chose est certaine, quand je vois la petite zone découverte de la cage, en haut à droite, je tente ma chance. Je descends ma main gauche sur ma crosse, repartis tout mon poids vers l'avant et shoote avec la certitude de marquer.

Mais, mon tir frappé n'est pas bien cadré car il rebondit contre la barre supérieure avant de fuser sur le côté. Sur Nashoba. Il profite de la force du palet pour le frapper à son tour. Nouvel échec. Le palet rebondit cette fois de l'autre côté alors que je démarre en trombe et double un joueur adverse pour le rattraper. Je fais mine de tirer sur le gardien pour le forcer à écarter les jambes puis tire à ras le sol, entre ses patins. L'alarme stridente indique le but avant même que je ne le comprenne projetant la joie de mon équipe dans toute l'enceinte de la patinoire. 3-2, nous menons enfin le match.

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