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Personne ne bouge. Cela fait bien deux-trois minutes que j'ai arrêté la voiture devant un géant immeuble, semblable à tous les autres qui traversent la ville. À l'arrière, Kaeson se perd sur son téléphone et Warren observe la vive activité de la rue. Comme sa sœur qui, une main sur la poignée, hésite à sortir du véhicule. Hier on oubliait la réalité, aujourd'hui on l'affronte. Même si c'est dur.

Je jette un coup d'œil à l'écran de la radio pour vérifier l'heure. 10h21. Leur rendez-vous avec l'association commence dans quelques petites minutes. Et malgré l'appréhension pesante, aucun d'eux n'a envie de le rater.

— Vous devriez y aller, conseillé-je.

— Tu nous chasses ? grogne Kae.

— Comment tu sais ?

Je souris comme un idiot pendant qu'il souffle d'exaspération. Un échange tout à fait normal entre lui et moi.

— Tu as raison, reconnait mon amie. Les garçons, nous y allons !

— Waouh, pas mal les rimes Madilyn La Poétesse, la complimenté-je en ricanant. Qui peut mieux faire ?

Alors que je m'attends à me prendre un silence majestueux, le plus jeune joue tout de suite le jeu :

— On y va, les gars ! La dame ne nous attendra pas, vous voulez pas ça.

— Ohhh, m'écrié-je le poing devant la bouche. Kae, tu dis mieux ?

Il se penche par-dessus mon siège pour me présenter sa bouille à moitié endormie. Ses cheveux blonds s'éparpillent tout autour de sa tête comme s'il avait pris un court jus au réveil. Son sourire narquois trahit la pique qu'il me réserve.

— À tout à l'heure... looser !

Je repousse doucement sa tête en ne manquant pas de lui ébouriffer davantage sa touffe au passage. Son rire le suit en dehors de la voiture. Je les regarde sortir, chacun souriant dans son coin. Maddie s'incline de nouveau vers l'intérieur pour s'adresser exclusivement à moi.

— Je... débute-t-elle perdue.

— Tu m'appelles dès que t'as besoin, Maddie, et je me ramène aussi vite que possible.

— D'accord. Ne fais pas de sottises.

Je ne peux retenir un rire face à son ton maternel mais j'acquiesce tout de même. Elle s'éloigne alors. C'est à mon tour de me pencher vers la vitre parce que je réalise que j'ai oublié de participer au concours de rimes.

— Eh sale gosse !

Les voir se retourner tous les trois me fait sourire mais je m'adresse surtout à Kaeson :

— N'oublie pas que c'est moi le boss, souligné-je.

— Nuuuuul ! réagit-il aussitôt.

J'ignore son avis biaisé, remonte la vitre en signe de provocation et m'en vais finalement. Une quinzaine de minutes me sépare de ma destination alors j'enclenche la musique à plein volume. Ni du rap, ni r'n'b, mais de la musique classique qui m'aide à rester concentré. Je me souviens encore que Nora & Lieth s'étaient foutus de ma gueule lorsqu'ils avaient découvert ma petite habitude, surtout celle de m'éclater les tympans avec ce genre de musique au lieu de l'écouter à un son raisonnable. De toute manière, je ne sais pas ce que veut dire être raisonnable ou raisonné. Je fais tout en fonction du moment, de mes envies, de l'ambiance... Peut-être moins depuis quelques semaines, en présence de Kaya.

Non, putain, on ne pense pas à elle. En même temps que je chasse son image dans ma tête, j'ai l'impression de me débarrasser de l'oppression qui commençait à me regagner. Penser à elle me renvoie à mon comportement de con. Et je ne veux pas vivre une autre journée où être moi est un fardeau.

On My WayOù les histoires vivent. Découvrez maintenant