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Heureusement, Garrett et Nora proposent de nous raccompagner en voiture et je noie la tension entre Maddie et moi dans des discussions futiles. Mais amusantes et salvatrices. Elle n'y participe pas, les yeux rivés sur le spectacle derrière les vitres et plongée dans des pensées lointaines. Quelques mèches raides et courtes barrent son visage qui n'a pas l'air si tourmenté. Pourtant, je comprends que quelque chose ne va vraiment pas lorsqu'on se gare devant chez elle. Sans doute sous sa demande ultérieure. Ma tête se tourne immédiatement dans sa direction, interloqué.

— Je pensais que tu avais pris toutes tes affaires ? relève-je.

— Ce n'est pas pour ça, élude-t-elle avec un vif coup d'œil vers les amoureux devant. Je dois rentrer.

— Sérieux ?!

Mon haussement de voix ne la surprend pas davantage. Elle saisit son sac à main, entre nous, sur la banquette arrière, puis s'arrête un moment. Je pense qu'elle va me répondre mais ses mots s'adressent plutôt à Garrett et Nora :

— Merci de m'avoir ramenée, à bientôt !

— Prends soin de toi, Maddie, sourit presque tristement ma meilleure amie.

— Mais, t'as lai...

Je n'ai pas le temps de terminer. Le claquement de porte derrière elle m'interrompt. Je crois m'entendre grogner des injures alors que je lui emboîte le pas sans me laisser plus de temps pour réfléchir. Elle avance déjà vers sa porte comme si elle fuyait le diable en personne.

— T'as laissé des sacs chez moi, je te rappelle !

— Je passerai les chercher, dit-elle sans se retourner.

Je la suis jusqu'à sa porte, convaincu de mériter des explications de sa part. Je ne peux pas croire que sa réaction ne soit qu'en rapport avec Kaya. Comme à son habitude, elle ne me dit pas tout mais elle ne rentrera pas chez elle sans m'avoir craché le morceau.

— Qu'est-ce que tu me fais là ? m'emporté-je plus rude que je ne le voudrais. Il t'arrive quoi d'un coup ?

— Rien.

— Tu fais la gueule depuis une heure, y'a forcément un truc.

Elle daigne enfin se retourner et me regarder droit dans les yeux, les siens animés d'un éclat singulier. Maddie parait torturée de peur et de colère à la fois. Ou peut-être est-ce tout autre chose. Je ne suis pas tellement bon pour lire les autres, exceptés ceux que je connais depuis un certain temps. D'une voix tremblante, elle me confie :

— Pendant un temps, j'y ai cru...

Mon cœur rate un battement, parfaitement conscient de la discussion qui va suivre. Une discussion que je vais sans doute gâcher avec ma maladresse perpétuelle.

— À quoi ?

— Au fait que tu puisses tenir à moi. Mais j'ai été cruche et t'as été méchant de vouloir me le faire croire, allègue-t-elle avec une véhémence qui m'est destinée.

C'est un sentiment presque nouveau qui se réveille en moi, comme une sorte de mini-rage, une envie de révolte, un besoin de me défendre. La lassitude d'être incompris constamment parce que ma manière de fonctionner et de penser est si différente. C'est soudain. Comme si la valve remuée de mon cœur éclatait pour déverser, en moi, un tsunami d'émotions irrépressibles.

— Évidemment que je tiens à toi, Lovegood. Tu peux pas me reprocher quoique ce soit là, craché-je de plus en plus fort. J'ai galéré pour savoir qui t'étais après ton appel, j'ai ramé pour regagner ta confiance, je t'accueille avec plaisir quand t'en as besoin, je fais de mon mieux pour t'écouter et t'épauler, je m'inquiète pour toi quand je te vois pas dans les couloirs du lycée, j'ai fait des nuits blanches qui me démolissent le cerveau pour te changer les idées, j'ai oublié un putain de date avec une fille géniale pour être là pour toi. Je te le reprocherai jamais parce que je tiens à toi. Si c'est à refaire, je le refais. Et tu viens me dire de la merde ?

On My WayOù les histoires vivent. Découvrez maintenant