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POINT DE VUE NILLS


Je regarde distraitement mes jambes sans pouvoir les contrôler, épris d'impatience. C'est plus fort que moi. Si je ne le fais pas, je ne suis pas sûr de pouvoir rester une seconde de plus à attendre dans le couloir du tribunal et ses odeurs de bois verni. Après avoir écouté l'assistante sociale retracer le parcours des parents, la juge Pears nous a demandé de revenir une heure plus tard pour le délibéré. Je la soupçonne de s'être octroyée une petite pause-café et un encas bien que je comprenne parfaitement le temps qu'elle s'accorde. À sa place, je serais incapable de choisir. La mère de Maddie a visiblement besoin d'être aidée, le père a hâte de retrouver sa famille, mais Warren a établi son équilibre auprès de sa famille « d'accueil ».

Celle-ci a d'ailleurs prouvé sa bienveillance à leur sortie de la salle d'audience en allant s'adresser à Katie et Jaxton. Puis, alors que je félicitais Maddie pour le courage dont elle a fait preuve, les McRae sont venus la voir. Face au déferlement d'excuses de mon amie pour la fugue, ils lui ont assuré qu'ils ne lui en voulaient pas avant de lui promettre que s'ils gardaient Warren auprès d'eux, elle pourrait rendre visite à son frère dès qu'elle le souhaitait. « Tu as ta place chez nous comme il a la sienne » lui a intimé la mère et même si Maddie s'est efforcée de paraître détachée, j'ai bien vu comme cette phrase l'avait touchée. Peut-être a-t-elle réalisé qu'elle n'était pas la seule à aimer Warren terriblement, peut-être s'est-elle rendu compte que l'unité familiale qu'elle cherche tant se construira différemment. Pas mieux, pas moins bien, juste d'une manière différente. Et que, dans l'océan houleux que la vie nous fait parfois traverser, on finit toujours par retrouver pieds.

— Je veux m'aérer un peu, tu m'accompagnes ? me quémande tout à coup Maddie, sagement assise à ma droite.

— T'es sûre ? Et si Britney vous rappelle plus tôt que prévu ?

D'incompréhension, elle fronce les sourcils. J'éclate de rire en repensant à ma blague :

— Britney... Pears. La juge !

Habituellement, elle n'est pas très réceptive à mes blagues lamentables mais aujourd'hui, Maddie lâche un petit gloussement adorable. J'ai l'impression d'avoir remporté une petite bataille. Mon humour commence à gagner du terrain.

— Si c'est le cas, quelqu'un viendra nous chercher, rétorque-t-elle. Tu viens ?

Elle penche la tête sur le côté comme pour essayer de me convaincre avec des yeux doux. Mais, je n'ai pas besoin de plus pour la suivre tant je rêve de m'éloigner de la tension qui émane de ce lieu. Silencieux, nous remontons les différents couloirs jusqu'à la porte de sortie où une bourrasque de vent nous accueille. J'enfouis mes mains dans les poches de mon blouson et glisse ma capuche sur ma tête pour retenir mes cheveux. En même temps, je me promets de les couper dès mon retour à Colhaw.

Maddie, elle, enroule une épaisse écharpe autour de son cou qui compense son gilet fin. Et c'était son idée de sortir ? Soit elle est inconsciente, soit elle cherche à tomber malade. Ça lui donnerait sûrement une bonne excuse pour rester chez elle, au chaud, loin des salles de classe.

— T'as raison, dis-je alors qu'on se pose sur un banc gelé, moi aussi je vais tomber malade !

J'accompagne ma parole d'un geste qui ouvre ma veste.

On My WayOù les histoires vivent. Découvrez maintenant