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« Bien rentré. Super jeu, fiston ! »

Le rictus qui plisse mes lèvres depuis plusieurs minutes persiste à rester chaque fois que je relis le message de mon père. Certes court et concis mais l'intention suffit à me réconforter. Mon père fait des efforts, je le ressens. Envoyé la veille, je le lis seulement aujourd'hui en fin d'après-midi. Pendant que les autres somnolent un peu partout dans la maison des Hollington. Il faut dire que le brunch a gagné la bataille contre nos estomacs. Une sieste digestive s'imposait.

Sans surprise, je ne suis pas le mouvement car mon cerveau ne sait pas ce que le repos signifie. Mais, la tête de Lieth endormi sur mes genoux me condamne à ne pas bouger parce que je suis un bon pote évidemment. Sur l'autre partie du canapé, Harry est étalé et menace les coussins de sa bave. Après m'être amusé à le prendre en photographies sous tous les angles, j'ai traîné sagement sur mon téléphone. Vient toujours le moment où rester inactif m'est insupportable. J'y résiste depuis plus d'une heure. Quand la tête de Maddie apparaît à l'entrée, je saute sur l'occasion de m'échapper.

Lieth marmonne quelque chose quand je déplace sa tête de mes cuisses au canapé. Mais, il ne se réveille pas et je suis libre. Je triomphe silencieusement sous le regard amusé de Lovegood que je rejoins en quelques enjambées. Je remarque alors qu'elle a sa parka sur le dos, son écharpe au cou et son sac dans les mains. Bref, elle est sur le point de partir.

Elle était là presque tout le week-end mais je n'ai pas l'impression d'avoir profité de sa présence. Comme c'est le cas depuis notre retour d'escapade. Ces derniers jours, le temps passe vite mais sans qu'on le partage forcément. J'ignore mon pincement au cœur, déçu de la voir partir si vite, et lui souris.

— On vient te chercher, c'est ça ?!

Elle hoche la tête tandis que sa timidité me gagne petit à petit.

— T'aurais pu rentrer avec nous demain, tu peux toujours...

— C'est gentil mais ma mère va rentrer ce soir. Je veux l'accueillir.

— Tu lui passeras le bonjour ! me réjouis-je pour elle. J'espère que vous passerez de bonnes vacances.

Je regarde ailleurs en me maudissant intérieurement pour mon ridicule. Je perds mes mots, je n'ose même plus lui parler comme d'habitude, je me comporte comme si je n'allais plus la voir. Mais, les paroles de Lieth sur ma soi-disant jalousie tournent en boucle dans mon esprit et l'enrobent d'un brouillard d'incompréhension. Je voudrais que notre relation reste simple, facile, qu'elle soit une source de bonheur en continu, pas une prise de tête.

Je n'étais pas jaloux. J'étais vexé. Et ce n'est pas le genre de choses que j'ai déjà éprouvées pour Nora, Lieth ou les autres car avec eux je ne m'inquiète jamais de pouvoir perdre un jour leur amitié. Avec Maddie, c'est différent. Alors, j'étais vexé. Je le suis encore à l'idée qu'elle puisse accorder de la valeur à un type qui lui crache dans le dos. Vexé qu'avec toutes les amitiés qu'on a à lui offrir, elle ressente encore le besoin d'en avoir une avec ce connard de Riley.

— Je te l'accorde, Riley est un conna... débute-t-elle avant que je ne pose ma main sur sa bouche.

— Un canard ! scandé-je à sa place. Dis pas d'insultes, je veux pas te souiller !

Merde, j'ai pensé à voix haute. Elle glousse puis repousse doucement mes doigts.

— Je n'ai pas six ans, Nills, alors laisse-moi terminer, s'il-te-plaît.

— Je t'en prie ma chère Madilyn.

Le regard qu'elle me jette en dit long sur sa surprise. C'est bien la première fois que je prends la peine de dire son prénom en entier. Même moi ça me fait drôle comme si je m'adressais à une toute nouvelle personne.

On My WayOù les histoires vivent. Découvrez maintenant