— J'y vais, cédé-je sous le regard strict de mon père.
Un regard qui ne m'est même pas porté comme si je ne valais plus la peine d'être considéré à ce moment. J'attrape mon sac du sol à l'instant où ma mère elle intercepte mon mouvement et me retient par le bras. Ses doigts tremblent contre ma peau. En relevant la tête, je constate que ce n'est plus de la colère qui l'habite mais de la tristesse. Elle est sur le point de pleurer mais se retient pour garder bonne figure. De mon côté, j'ai du mal à conserver mon sang froid.
— Combien de temps ça va durer ? lâché-je tout à coup.
Mon père tourne enfin la tête dans ma direction. Ses yeux me transpercent de part et d'autre. Je devine bien que ma petite intervention ne lui plait déjà pas.
— De quoi ?
Je regretterai sûrement mes prochaines paroles mais si je ne les exprime pas, c'est moi qu'elles finiront par user. Parce que je m'efforce à être moi-même mais que, d'une certaine façon, même chez moi je ne l'ai jamais été. J'accepte la solitude, l'absence, les non-dits et les attentes, j'accepte le sentiment de culpabilité, je prends sur moi. Depuis des années, j'ai la sensation de marcher sur une corde tendue et de lutter pour garder l'équilibre. À l'intérieur et à l'extérieur. C'est épuisant, c'est destructeur...
— De quoi tu parles ? relance mon père face au mon silence.
— Pendant encore combien de temps tu vas continuer d'être comme ça ? relevé-je. J'suis pas le seul à me comporter comme un con. Tu t-
— Fais attention à ton langage, Nills !
Ma victime quitte sa place pour s'approcher de moi, un doigt tendu. Ça ne me dissuade pas de poursuivre. J'en ai trop sur le coeur.
— Tu t'es toujours comporté comme si ignorer les problèmes allait les régler, pourquoi ça t'étonne tant que j'fasse pareil ? Quand quelque chose te dérange ou te demande trop d'efforts, tu passes au-dessus et tu reviens jamais dessus. Ne secoue pas la tête, c'est exactement ce que t'es en train de faire là avec moi ! m'écrié-je dépassé.
— Non, réfute-t-il de mauvaise foi, tu voudrais seulement que, ta mère et moi, nous nous comportions comme tu le voudrais. Tu ne supportes pas qu'on te dise non, tu n'en fais qu'à ta tête.
— Tu vois le pire c'est qu'au lieu d'essayer de comprendre, tu préfères présumer des trucs complètement débiles ! T'as rien compris... J'suis pas en colère parce que tu refuses que je revienne à la maison, j'suis énervé parce que t'as même pas voulu entendre ce que j'avais à te dire ! Tu préfères présumer ! Ça t'est jamais venu à l'idée de demander à l'autre ce qu'il ressent, de discuter avec lui ?!
À bout de souffle, je marque une pause. Je ne dois pas laisser les mots s'embrouiller dans ma tête, pas laisser la peine me ronger.
— Tu me demandes jamais pourquoi, tu présumes encore et encore. Laisse moi t'éclairer un peu... Les cours m'intéressent pas, j'ai aucune envie de faire des études supérieures. Quand je prends pas mon traitement, c'est pas pour te faire chier ou pour faire le con, c'est parce que j'ai l'impression de pas profiter de ma vie. Je réfléchis plus, je mange plus, je fais des insomnies... Tu crois que c'est facile ? Pourquoi tu te comportes comme si ça l'était ?
— Je sais très bien que ce n'est pas facile, crois-moi, assure-t-il d'une voix fermée.
— Bien sûr que tu sais, raillé-je d'un rire ironique. Mais tu préfères faire semblant, tu te mêles pas trop... Parce que ça te rappelle trop maman.
Je ne fais que supposer mais sa réaction nerveuse me confirme l'idée. C'est de ma mère que j'hérite mon trouble. Ses sourcils se froncent alors qu'il se donne une petite seconde, en fermant les yeux, pour se rasséréner.
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On My Way
Teen FictionDe nature farceuse, Nills croit immédiatement être victime d'un canular lorsqu'il reçoit un appel étrange, la nuit d'Halloween. Un cri strident puis soudain, des bruits sourds, des souffles saccadés et d'autres hurlements à couper le souffle. Le je...