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Depuis que je suis en « âge de me garder tout seul », je mène une vraie vie de célibataire endurci. Sans doute parce que j'en suis un. Avant tout, parce que mes parents travaillent à longueur de journée et m'ont épargné tout frère ou sœur qui auraient pu briser mon quotidien. Avec les années, j'ai appris à ne pas me sentir seul. Et à ne pas plaindre surtout. Le travail de mes parents a pris le monopole de leur vie depuis qu'ils ont réalisé que la mienne avait un prix. Leur priorité absolue est de pouvoir m'envoyer à l'université afin d'effectuer les études auxquelles eux n'ont pas eu accès. Malgré le problème financier réglé, il reste tout de même un obstacle de taille : mes résultats scolaires. Ces derniers ont causé mon redoublement l'année passée. Je me dois de les surmonter pour cette dernière année de lycée sinon je verrai les efforts de mes parents partir en fumée. Et leur rêve aussi.

Mais, la motivation n'existe que dans ma tête. Les cours ont repris depuis deux mois et je ne me souviens pas avoir suivi ne serait-ce qu'une seule classe depuis. Je trouve toujours des choses ou des personnes à observer, des idées à inspecter dans tous les sens ou je tente de contenir mon énergie jusqu'à la prochaine pause. Étudier n'est pas fait pour moi, voilà le grand secret de ma vie.

Je ferme le manuel de maths, inutilement ouvert devant moi depuis un certain temps, et m'éloigne de mon bureau pour augmenter la musique d'abord prévue en fond sonore. Un morceau de hip-hop des années 80 remixé en électro ampli aisément ma petite chambre et ça suffit à me rendre heureux. Malheureusement, elle est interrompue par un appel sur mon téléphone. C'est Ayden, l'un de mes meilleurs amis :

- Nills, tu fais quoi ? Ça fait une heure qu'on t'attend, râle-t-il.

Je jette un coup d'œil à ma montre, surpris de l'heure actuelle. Presque 21h. La soirée d'Halloween à laquelle nous devons nous retrouver a commencé depuis deux heures.

- J'avais pas vu l'heure, dis-je pour ma défense. Je me déguise et j'arrive !

Le rire de mon ami éclate à travers mon portable alors que je commence déjà à fouiller dans mes affaires pour trouver une tenue correcte.

- Tu sais que le but de la soirée c'est justement de ne pas se déguiser ?

- Mec, je vais pas laisser un hipster anticapitaliste pourrir mes habitudes de gamin.

Ayden rigole de plus belle et je ne tarde pas à le joindre. Nous avions déjà eu cette discussion en recevant le message d'invitation de John, un camarade de classe. Il tenait à renverser la tendance « oppressante » d'Halloween par le biais d'une soirée non déguisée. J'y voyais surtout une manière rabat-joie d'éviter une fête qu'il n'appréciait pas. Je n'allais pas rater cette occasion de faire l'idiot – ma passion première.

- Ok, comme tu veux mais grouille-toi, Tony ! termine-t-il avant de raccrocher.

Tout de même amusé, je me promets de lui faire ravaler ce surnom en arrivant à la soirée. Tony pour Tony Hawk, un grand skateur dont j'étais absolument fan au collège. Quand je n'étais pas occupé à rouler dehors, j'étais enfermé dans ma chambre pour jouer aux jeux-vidéos ou regarder des vidéos de skate. Ma bande d'amis n'avait pas eu trop de mal à choisir ce pseudonyme, alternant avec « Roulette », d'autant plus que cette passion m'était restée. Elle est même devenue ma source ultime de bonheur, comme un gamin de 14 ans. Sauf que j'en ai bientôt 18 maintenant.

Une fois, mon déguisement oppressant choisi et confectionné, je me décide à partir au même moment où mon père rentre. Emmitouflé dans une veste rembourrée, il pousse un soupir de soulagement en passant le pas de la porte. Parfois, je remets en doute ses origines norvégiennes quand je constate à quel point il est frileux. Pour sa défense, il n'a jamais mis les pieds en Norvège et n'a connu que les États-Unis depuis l'immigration de son père dans l'Oregon. Il n'a de « nordique » que le nom de famille et l'apparence : ses cheveux blonds qu'il tond de très près, ses yeux d'un bleu déconcertant, ses traits de visage fins. Je n'ai qu'à le regarder pour savoir comment je serai dans quelques années.

On My WayOù les histoires vivent. Découvrez maintenant