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Le lendemain soir, c'est Lovegood que je choisis. Malgré l'embarras dans lequel ça me met, j'annule à la dernière minute la sortie prévue avec Kaya. Je prétexte devoir aider mon père pour quelque chose d'important, alors qu'en vérité il rattrape tout son sommeil, et me pointe chez mon amie en milieu de soirée. Elle ne m'a pas demandé de venir, elle n'a même pas évoqué le fait d'aller mal, non, le pire c'est qu'elle n'a rien dit du tout. Elle n'a pas répondu à mes messages habituels du soir et j'ai immédiatement compris que quelque chose n'allait pas.

Dès que la blonde ouvre la porte, elle baisse les yeux sur ma tenue haute en couleur et sa bouche peine à sortir le moindre mot. C'en est presque vexant. Alors, je rebondis tout de suite sur sa tenue à elle, sa combinaison jaune qui lui sert de pyjama.

— Tu m'as toujours pas dit si c'était une banane ou Pikachu ? souligné-je en la pointant du doigt.

Peut-être qu'ainsi elle ne pensera pas que j'ai remarqué les poches sous ses yeux rougies et encore bordées de larmes.

— Qu'est-ce que tu fais ici, Nills ? sourit-elle timidement.

— Toujours ma petite balade en skate mais cette fois c'était pas pour les loups garous, c'était les sorcières ! On t'a jamais dit qu'elles profitaient des ciels nuageux pour sortir ?! argué-je en tentant de garder tout mon sérieux.

— D'accord mais il n'y a pas de sorcières chez moi.

Son ton aussi premier degré que le mien me prive de toute réaction. Je reste pantois à l'observer pour comprendre la tournure de la discussion lorsqu'elle laisse échapper un petit rire. Discret, retenu, comme si elle n'osait pas totalement se lâcher face à moi.

— Je te taquine, entre ! m'invite-t-elle. T'aurais dû voir ta tête !

— J'ai eu peur d'avoir attaqué tes croyances en sorcellerie, ris-je. Mais du coup, t'es sûre que y'en a aucune ici ?

— Oui j'en...

— Je veux dire, à part toi bien sûr ! la coupé-je.

Dans l'entrée, je me retourne vers elle fier de ma blague mais son visage transpire de perplexité. Je m'indigne aussitôt :

Lovegood, Poudlard, tout ça... Bref, c'est quoi le programme ?

— Je terminais un devoir, m'explique-t-elle en m'entraînant au salon.

De nombreuses feuilles, raturées de différentes couleurs, sont réparties sur la table. Allergique au travail, ça me donne un mal de crâne immédiat. Je m'assois tout de même à sa droite pour lui apporter un soutien moral à défaut de ne pouvoir lui apporter une quelconque aide scolaire. Il n'y a pas de doute, les connaissances de Maddie sont certainement plus avancées que les miennes. Même si je m'en sors beaucoup mieux que les précédentes années, les études ne sont pas faites pour moi.

Mais, je respecte tout de même sa motivation pendant les trente minutes qui suivent avant de craquer d'impatience. Mon cerveau bouillonnant m'incite à me lever et à déambuler dans le salon. J'inspecte le moindre détail puis m'attarde surtout sur les cadres photos qui triomphent sur une commode. Une photographie en noir et blanc de sa famille me sert le cœur. Son père tient un nourrisson dans ses bras tandis que sa mère serre Maddie et Kaeson contre elle. Ils ont l'air si soudés, si heureux, si complets. J'en reviens toujours pas que l'on puisse séparer cette famille qui transpire d'amour. Le goût de l'injustice me donne la nausée et je préfère me forcer à penser à autre chose. J'arpente dorénavant la minuscule étagère seulement décorée de quelques anciens dessins animés. Quand je remarque mon cadeau parmi les sept boîtes, je souris bêtement. Et puis soudain, je réalise que ce salon vieillot et neutre à la fois ne reflète rien de mon amie. On n'apprend rien d'un ado dans un salon.

On My WayOù les histoires vivent. Découvrez maintenant