Chapitre 21

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En me réveillant ce matin, je me suis sentie soulagée d'un poids. J'étais soulagée de me dire que le pire jour de ma vie était enfin passé. Ce jour-là, je suis passée de cette jeune fille, au rôle d'épouse. J'étais heureuse de le devenir, mais j'étais loin de m'attendre à ça. Mon quotidien ne s'est pas amélioré, loin de là.

J'ai enfilé de nouveau ma tenue de sport, pour aller me défouler. L'air frais me fais encore le plus grand bien. Je sens mes poumons se remplir de nouveau, je me sens vivre.

Je vis avec de douloureux souvenirs, mais je ne pourrais jamais oublier tout ce qui m'est arrivé. Je fais juste comme si les flashback qui me reviennent au quotidien étaient normaux.

Comme à chaque fois que je cours, je finis par rejoindre la plage. Je regarde les mouvements délicats de l'eau, en songeant à mon départ précipité. Je suis née ici, et j'ai toujours rêvé de revenir ici, pour le plaisir de voir la mer. Aujourd'hui, je me retrouve maire de cette incroyable ville. Ils m'ont tous acceptés comme si je venais les délivrer de l'ancien maire, comme si j'étais faite pour être ici. Aucune personne ne m'a demandé ce que j'avais vécu, et je me suis sentie chez moi directement.

-Alors la srilankaise, t'as pas emporté ta batte de base-ball aujourd'hui ? M'interroge une voix.

Je tourne la tête et vois Elijah qui s'installe à ma droite en souriant légèrement.

-Horacio me l'a reprise avant que je fracasse tout sur mon passage, lui répondis-je alors. Il me la rendra l'année prochaine, sans doute.

-C'est incroyable cette rage que tu as en toi.

-Comme quoi les événements que j'ai vécu m'atteignent toujours autant. Désolée pour t'avoir agressé comme ça hier, mais c'était un jour particulier dans ma vie. Je... J'ai du mal à me contrôler ce jour depuis que j'ai quitté ma vie d'avant.

-Ta vie d'avant ? Tu serais pas un chat au moins ?

Je lâche un petit rire et secoue la tête.

-Je suis née ici, mais je suis partie dans mon pays lorsque j'étais bébé. Ça fait seulement un peu plus de quatre ans que je suis ici.

-Quatre ans et déjà maire... T'étais pas Reine dans ton pays par hasard ?

-Une Reine particulière alors on va dire.

On rit puis le silence se met à régner. Il est loin d'être stressant, il est plutôt apaisant.

-Alors c'est lequel de tatouage qui représente ce jour ?

De mon index gauche, je désigne mon bras droit, juste sous l'épaule.

-Il est vraiment dark ce tatouage. Enfin je trouve qu'il l'est plus que tous les autres réunis.

-C'est parce que tu ne connais l'histoire d'aucun d'entre-eux. Ils sont tous aussi sombres les uns que les autres pour moi. Mais le souvenir de celui-ci m'insupporte au plus haut point.

-C'est une femme traditionnelle de chez toi ?

-C'est ça.

-Et... Est-ce que c'est toi ?

J'observe les détails de mon tatouage, même si je les connais par cœur, en songeant à la manière de dire les choses.

-Oui et non, je dirais. Ce que j'ai vécu m'aurait empêché d'en être une, pourtant, on faisait comme si j'en étais une autour de moi. J'aurais aimé que ce soit le cas, mais je ne le serais jamais.

Je préfère ne pas désigner le nom de ces femmes à la peau blanchie, parce qu'il trouverait directement mon origine s'il le savait.

-Tu regrettes de ne pas l'être ou de ne pas l'avoir été ?

-Énormément. La formation dure cinq ans. J'avais prévu de commencer à mes quinze ans, depuis toute petite ça a été mon unique rêve. Sauf que c'est à ce moment que ma vie est partie vraiment en couille. Les tatouages, ce que j'ai dû faire... C'était pas du tout le même monde.

-Le moment où on t'as forcé, c'est ça ?

-Ouais, c'est ça. Mais bon, même si j'ai pas pu devenir cette femme, j'aime celle que je suis devenue aujourd'hui. Je ne changerai ma liberté pour rien au monde, je peux enfin faire mes propres choix, c'est pas grand chose pour certain, mais pour moi, c'est le paradis.

-Je suis de ton avis. La liberté est un bien immatériel nécessaire. Sans ça, je ne pense pas qu'on puisse bien vivre.

-À moi maintenant, dis-je après quelques instants de silence. Celui-ci, qu'est-ce qu'il représente pour toi ?

Je lui indique le tatouage très sombre qui est présent au même endroit que le mien qu'il a choisi, sauf qu'il est sur son bras gauche. Il lâche un léger rire en baissant le regard vers son propre tatouage.

-Non seulement il est au même endroit que le tien, mais en plus, il est le plus sombre de mes tatouages, comme le tien d'après moi. Ce crâne, ça aurait pu être moi. La faucheuse et moi on s'est croisés pas mal de fois. Elle voulait m'emmener dans une tombe, six pieds sous terre, mais je me suis battu de toutes mes forces pour rester sur terre.

-Tu as frôlé la mort ? Comment tu as fait pour survivre ?

-Des dizaines de fois, j'ai été dans un état très critique. Franchement, je sais même pas comment je fais pour être devant toi aujourd'hui, en train de te parler de ça. Je me suis toujours battu pour sortir de mon lit d'hôpital. Sterling était ma force. C'est la seule personne, la seule raison pour laquelle je voulais vivre.

-Est-ce qu'il y a eût une fois où c'était plus grave que les autres ?

-Ouais, à mes quinze ans. J'ai été dans le coma pendant un mois, et je suis resté plusieurs semaines à l'hôpital, en surveillance. J'ai été relâché le jour de mes seize ans, j'ai pris Sterling, et on s'est barrés. C'était la première fois que je suis tombé dans le coma pour cette raison, mais aussi la dernière.

-Wow... Eh bien je pense que tu as bien fait de partir à ce moment-là, dans ce cas.

-Si on n'était pas partis tous les deux, on ne se serait probablement jamais rencontrés. Je me demande si la maire qui aurait été face à moi m'aurait autant emmerdé que toi.

-Tu adores m'avoir pour maire rivale Elijah.

-C'est pas faux.

Je le regarde et nous éclatons de rire tous les deux. Je ne m'attendais pas vraiment à cette réponse.

ProvocationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant