Provocation

Chapitre 46

👤PDV Elijah

Comme un con, c'est comme ça que je me trouve à cet instant. J'ai Emiko dans mes bras, la fille d'une femme mariée, mais pas mariée à moi. Je ne comprends pas comment elle a pu me cacher ça, ce n'est pas une chose que l'on peut se permettre de ne pas dire. J'aurais dû être au courant, et ça me fait prendre conscience que je ne la connaît presque pas.

C'est le faucon, elle m'en a déjà parlé, mais elle n'a pas précisé qu'elle était mariée à lui, et c'est ce qui fait toute la différence.

Je regarde Emiko, qui se met à pleurer en appelant sa mère. C'est dingue, mais je suis sûr qu'elle comprend les choses. Je la serre contre moi en la réconfortant du mieux que je peux, et me tourne vers Sterling, qui s'était approché entre temps.

-Je rêve ou un japonais sorti de nul part vient d'embarquer Dakota ? Me demande-t-il bêtement.

-Je crois bien que c'est ce qui vient de se passer et je dois aller voir ses amis, pour qu'ils m'expliquent pourquoi Dakota est mariée à ce gars-là.

-Mariée ? Je peux venir avec toi ?

-Ouais, prends le sac, on va dans le Nord.

Il hoche la tête et saisit le sac comme je lui ai demandé. Je franchis la frontière et Sterling met son GPS pour nous guider jusqu'au salon des gars. Je ne suis venu dans le Nord qu'une seule fois de toute ma vie, et je savais que la maison de Dakota est très proche de la frontière.

On y arrive assez rapidement, et je pousse la porte, sous le regard de nombreux personnes. Bon, au moins, on ne s'est pas fait tapés dessus. C'est déjà bien. Les gars sont installés dans le fauteuil, puisque Sterling les a avertis.

-Qu'est-ce que vous faîtes dans le Nord ? M'interroge Horacio. C'est quoi cette urgence ?

-C'est Dakota, le faucon est venu la chercher.

Esteban cesse directement de bouger, tandis qu'Horacio semble chercher à comprendre.

-Hayato, souffle finalement Esteban. Installez-vous, je crois qu'on doit parler.

Je hoche la tête et m'installe dans un fauteuil, Emiko sur moi. Je prends son sac et regarde s'il y a quelque chose pour l'occuper. Je trouve un livre, que je lui donne, avant de reporter mon attention sur les garçons.

-C'est vraiment son mari ?

-Écoute Elijah, tu as énormément de choses à savoir à propos de Dakota. Elle a un passé très lourd et je suis la meilleure personne pour te raconter tout ce qui s'est passé. Je suis entré dans sa vie à ses quinze ans, et sans moi, tu n'aurais jamais croisé son chemin. Est-ce que tu es prêt à tout entendre ?

-Ouais, je veux tout savoir.

-Tout ce que je te demande en échange, c'est de ne pas la juger, et de ne pas lui en vouloir. Dakota n'a fait aucun choix d'elle-même au Japon, elle a subit tout ce qu'elle a vécu. Je ne sais pas ce que tu sais, mais je vais te reparler de tout.

Je hoche la tête, pensif. La prostitution n'était pas grand chose alors ?

-Dakota a grandit dans... dans un milieu pas très net, disons comme ça. Tu sais qu'elle vient du Japon, et tu as dû déjà voir le tatouage que j'ai réalisé sur elle. Je l'ai rencontrée grâce à ça. À chaque fois que je la voyais, c'était pour la tatouer. En fait, on a fait partie des yakuza, de la mafia japonaise. On est reconnaissables grâce à nos tatouages. Je ne sais pas si tu le sais, mais c'est très structuré comme milieu. Le père de Dakota était le second lieutenant, un ami très proche du chef des Yakuza de Tokyo. Il a toujours battu Dakota, pour la forcer à être obéissante. On a très peu confiance aux femmes dans ce milieu, mais ils ont quand même accepté Dakota. Je l'ai tatoué pour montrer sa force et sa résistance, pour qu'elle montre être digne d'être la fille de son père. À quinze ans, elle a dû devenir serveuse dans un bar miteux, où tous des vieux pervers la touchaient. Quand son père a vu qu'elle attirait autant les hommes, il l'a forcée à se prostituer, pendant de nombreux mois. C'est Hayato qui a mit fin à tout ça. Il est le premier lieutenant du chef des Yakuza, il connaît très bien le père de Dakota, et il a arrangé un mariage. Dès qu'elle a eu seize ans, l'âge légal pour se marier au Japon, elle s'est mariée à lui. C'était le début d'un second enfer.

Il prend une grande inspiration et me montre le restant de son auriculaire. Je l'avais déjà aperçu, mais je le vois encore mieux maintenant.

-Ça, c'est ma récompense pour l'avoir aidée à sortir de tout ça. Hayato la violait et la battait très fréquemment, pour tout et n'importe quoi. Il avait quinze ans de plus qu'elle, mais il n'en avait rien à foutre. Il l'a voulait, et il l'a eue. Quand elle venait me voir, on parlait plus que je n'avançais sur son tatouage, pour pouvoir la revoir. Elle s'est confiée à moi concernant ce qu'elle vivait un jour. Je savais qu'il l'a frappait, je voyais bien la couleur bleue sur son corps, mais quand elle m'a avoué qu'il l'a violait également, j'ai voulu la cacher chez moi. Le chef l'a retrouvée et j'ai été puni parce qu'on ne doit jamais voler la femme du voisin, c'est la règle numéro deux chez eux. On savait tous les deux que quand je sortirai de cette pièce, un doigt en moins, elle subirait la violence de son mari et de son père. Elle a pris de l'argent à Hayato, et elle a fuit en pleine nuit pour me rejoindre. Et on a pris le premier vol pour l'Amérique, et tu connais la suite. On a rencontrés Horacio, et elle est devenue maire trois ans et demi plus tard.

Il devient silencieux et je garde le silence. Dakota a vraiment subi tout ça ? Elle est si forte aujourd'hui, seuls ses tatouages témoignent d'un passé violent.

-Elle est toujours mariée alors ? Soufflais-je finalement.

-Il l'aurait empêchée de partir si elle aurait demandé le divorce. Écoute, te dire que Dakota n'est pas en danger serait te mentir. Honnêtement, j'ai peur qu'il lui fasse beaucoup de mal. Il va lui faire payer d'être partie, mais encore plus d'avoir eu un enfant avec un autre homme.

-Mais elle est plus forte aujourd'hui, non ?

-Bien sûr. Horacio l'a préparée pendant un an pour qu'elle puisse se défendre s'il la retrouvait. On doit aller chez elle maintenant. Quand on est partie, elle avait un gros sac et elle m'a dit de m'en servir s'il revenait. Il est temps de découvrir ce que c'est.

Je hoche la tête et les suit dehors. Ils ferment leur boutique et nous allons tous ensemble chez elle. Ils entrent directement et saluent le mexicain, très surpris de nous voir là.

-Hayato est revenu, lance brutalement Horacio. On a besoin de ton aide, le mexicain.

-Ouais, occupez-vous de la ramener en vie. Tu veux que je m'occupe d'Emiko ?

-Ouais, merci. Va avec tonton Miguel mon ange.

Je la dépose au sol et la regarde avancer doucement vers le cousin de sa mère. Esteban, qui était parti je ne sais où, revient avec un gros sac noir.

-Je me suis toujours demandée ce qu'il y avait à l'intérieur, mais j'espérais de ne jamais le découvrir.

Les mains tremblantes, il ouvre le sac et dépose son contenu sur la table. Je m'approche avec Sterling et observe le contenu. Il y a une pile de papiers, ainsi que de nombreux CDs. J'attrape un ordinateur sur la table et le tend à Horacio, qui l'allume pour y mettre l'un des CD.

Une vidéo se lance alors. On y voit une chambre, ce qui me fait comprendre que ça doit être une caméra. On voit Dakota y entrer, et de préparer des affaires. Elle est si jeune et si innocente dans son kimono...

Hayato entre à son tour et on l'entend crier plusieurs choses à Dakota. Il s'avance vers elle et la frappe d'un coup, ce qui la fait tomber au sol. Elle tente de reculer, mais il revient pour lui asséner de nombreux coups. Je ressens un mal en moi-même, comme si j'étais en train de recevoir ces coups.

-Arrête ça, ordonnais-je à Horacio.

Il ne se fait pas prier pour fermer la page et éjecter le disque, avant d'en mettre un second, malgré mes réprimandes. Sur celle-ci, Hayato arrache le kimono de Dakota, alors qu'il est juste en caleçon. Je demande à Horacio d'enlever ça, mais rien n'y fait. La jeune Dakota pleure alors qu'il la pousse sur le lit et la déshabille entièrement. Il n'y a rien de sensuel dans tout ça, ça me donne la nausée.

-Enlève cette putain de vidéo ! Criais-je.

Il ferme l'ordinateur et je sors avec l'extérieur pour prendre l'air. Je suis horrifié par ce que je viens de voir. J'ai terriblement peur pour elle, encore plus après ce que je viens de voir.