DIAMOND SCHOOL TOME 1

CHAPITRE 14

Il n'était pas occupé à jouer à l'amoureux là-haut, lui ? Qu'est-ce qu'il fou ici ? C'est dans un lit avec Yamina qu'il devrait être, pas sur scène avec moi, entraîné dans les conneries de Louis. A moins que ma meilleure amie ne lui suffit pas et que ce soit l'occasion rêvée pour lui de poser la main sur moins en douceur. Quel veinard.

J'aimerais mille fois mieux l'envoyer valdinguer que de le laisser continuer à poser ses paluches partout sur mon corps. Mais il m'a pris au dépourvu. Je ne peux ni le repousser, ni l'humilier devant tous ces gens. Enfin, si ce connard n'était pas l'ami de Louis et que le patron du club n'était pas également l'ami de Louis...J'en aurais fait mon affaire. Là, je ne peux que lui retourner un sourire déformé par la haine et me laisser guider là où il a envie de me mener.

Il me redresse d'un coup et nous nous retrouvons coller davantage l'un à l'autre, ma cuisse toujours collée contre sa jambe. Nos nez se touchent et son souffle est frais, à contrario de la chaleur ambiante. Pourtant, Dieu sait que son souffle serait bouillant sur ma peau dans d'autres circonstances. Ses yeux plongent dans les miens et je peux y lire très clairement ses pensées: « Tu ne m'échapperas pas ce soir ».

Je m'écarte de lui élégamment, donnant simplement l'illusion que le spectacle se poursuit et non que j'essaie de fuir son étreinte passionnelle.

Notre prestation se transforme vite en jeu du chat et de la souris. La musique défile et le public nous acclame en demandant toujours plus. Le chat va-t-il réussir à attraper la souris ce soir ?

Dans mon fort intérieur, je hurle que non. Je ne veux plus me faire avoir par un connard et je ne veux pas d'histoire avec Yamina qui doit déjà tourner de l'œil en nous voyant sur scène aussi proche l'un de l'autre.

Mais je dois avouer que cette proximité entre nous me chamboule malgré moi. Je ressens comme une énergie émaner de nos deux corps. C'est qu'il est bon danseur ce con. La manière dont nos corps se coordonnent à chaque mouvement est totalement en harmonie, comme si nous avions préparé cette prestation depuis bien longtemps, spécifiquement pour ce jour-ci.

Je ne comprends pas. Je viens de le rencontrer et il m'exaspère au plus haut point. Alors comment expliquer cette sensation étrange qui anime tout mon corps ?

Charly s'est rapproché de la scène, il est presque en première ligne et ne rate pas une miette du spectacle. L'expression sur son visage n'est plus la même que tout à l'heure. Il est passé de la surprise à un mélange d'envie et de frustration. Moi et le client de ce matin sur une même scène ? Personne ne croirait à une vulgaire coïncidence. Lui y compris. Ses yeux sont enflammés, mais je n'arrive pas à connaître la véritable raison. A-t-il envie d'être à la place de mon coéquipier ? Ou est-il animé par une envie de violence conflictuelle à son encontre ? Peut-être bien les deux. Je crois que je vais prendre goût à cette expression. Je me sens jouir d'une joie inouïe en dégustant cette mini-vengeance. Il ne peut pas se permettre de me détester pour ça quand il est accroché aux bras d'une autre.

Malheureusement, je n'ai pas fini de te tourmenter mon pauvre Charly.

Je deviens délibérément beaucoup plus coopérative. Je veux savoir jusqu'où la frustration lisible sur le visage de mon tendre responsable peut mener, et cette fois, c'est moi qui prend les devants. Il n'y a plus de chat ou de souris. Il n'y a plus qu'un grand fauve face à un chaton. C'est un homme ? Je n'en ai que faire. Plus grand que moi ? Encore plus. Il me touche de son plein gré ? Soit. S'il pensait avoir la main mise sur moi, il va vite se rendre compte de l'erreur qu'il a commise, car le fauve compte récupérer sa place en haut de la pyramide.

Mes mouvements deviennent radicalement moins distants, je me mets à rôder autour de lui, comme un animal prêt à se jeter sur sa proie. Je le colle, je l'enlace, je le touche, je l'effleure et je me rue sur lui. Je lui fais tourner la tête, je lui fais perdre ses mots et il redevient pendant un temps indéfini le spectateur de ce Cap qui a mal tourné.