CHAPITRE 60

197 24 3
                                    


Contrairement à ce que j'imaginais, la rue et la boutique sont désertes. Peut-être que le premier avertissement d'Enzo a suffit à m'épargner pour tous les autres scandales ?

C'est tellement calme que je suis carrément avachi sur la caisse, attendant qu'un miracle se produise. Je n'ai pas pour habitude de me tenir aussi mal. Je sais que ce n'est pas très professionnel. Mais c'est comme si la pression était redescendue d'un coup, même si mes problèmes ne sont qu'en partie résolus. Enzo étant le plus gros de ceux que je collectionne.

Bon, j'avoue. C'est parce que Charly est en pause déjeuner que je m'octroie un moment de détente sur la caisse. S'il m'avait vu, il n'aurait même pas laissé le temps à mon coude d'atteindre la surface dure. Il m'aurait lancé un regard assassin qui m'aurait fait rebrousser chemin. Il est cool, mais sur ça il est chiant. Peut-être que je devrais lui demander une dérogation de bonne tenue ? Après tout, je fais partie du top 20. Je mérite bien ça, nan ? En fait, non. Je n'ai pas envie de lui parler. Pourtant, ce n'est pas matière à discuter qui manque. Ne serait-ce qu'au sujet de la Nordique et surtout de Yamina...Mais je ne peux pas. Rien que de voir sa tête apparaître dans mon champ de vision me donne envie de lui hurler dessus. Il faut que je joue la discrétion, a dit le PDG, c'est pas en tapant une crise de jalousie en plein travail que j'arriverais à grand chose.

Une cliente haute comme trois pommes finit par entrer dans la boutique. Une vieille dame un peu trapu, portant son châle sur la tête. Elle me rappelle ma grand-mère.

— Bonjour Madame, bienvenue !

Elle tourne la tête dans ma direction et pince un sourire de ses lèvres fines. Elle se rapproche vers la caisse avec difficulté.

— Bonjour mon enfant. Puisque vous êtes là, puis-je vous demander un peu d'aide ?

— Bien évidemment.

Elle me tend une liste de courses. Très certainement rédigée par son coiffeur ou un membre de sa famille.

— Très bien, je vais vous chercher ça. Vous pouvez rester en caisse, j'arrive dans un instant.

Je me saisis d'un shampoing, d'un soin, puis me dirige vers le rayon couleur. Il lui faut un 6 et un 6-1. Je me glisse sur la pointe des pieds et attrape les deux tubes que je glisse dans un gros panier. Je reviens en caisse avec le nécessaire et scanne machinalement les produits.

— Besoin d'autre chose, madame ?

— Non, ce sera tout.

Je range les produits dans un sac.

— Vous êtes très belle.

Je lève des yeux souriant vers elle. Les mamies sont toujours les plus adorables et je ne peux qu'accueillir à bras ouvert son compliment.

— Merci beaucoup madame. Vous aussi vous êtes une très belle femme.

— Allons allons (elle balaye ma remarque du revers de la main ce qui la rend encore plus attachante). Vous devez faire tomber les garçons ! A moins que vous ne soyez déjà marié ? Bon, l'un n'empêche pas l'autre.

Sa remarque me rend rose crevette.

— Je suis seule et c'est très bien comme ça...

— Ce sont les mots d'une femme blessée. Je vais vous dire une chose, les hommes d'aujourd'hui n'ont aucun goût. Je les vois dans le métro, à baver sur les photos de femmes de joies. Elles n'ont rien de naturel celles-là, avec leurs lèvres boursouflées aux allures de limaces quand elles prononcent des stupidités.

DIAMOND SCHOOL TOME 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant