CHAPITRE 67

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Enzo ou Charly ?

J'écarquille les yeux et regarde immédiatement si mon père ne s'est pas réveillé. Ouf, il dort comme un bébé.

Les médicaments doivent le shooter. J'ai pour habitude de venir le matin. C'est là que mon père est le moins fatigué et puis, ça me permet de profiter du Jardin des Sirènes lorsque c'est un jour ensoleillé. Mais aujourd'hui, le Dr.Solar m'a demandé de venir — enfin — plus tard. De toute façon, avec le temps qu'il fait, je ne risque pas d'aller trainer dans un parc.

Papa a encore un peu vieilli, mais ce n'est pas flagrant comme les autres fois. Je ne sais pas si ça signifie que la créature est dans les parages, ou tout le contraire. Le livre n'en disait pas plus.

Je lance un regard furibond à Lucy qui attend patiemment ma réponse.

— Bien évidemment que c'est Charly !

— Alors c'est qui Enzo ? Ton père m'a dit que c'était ton nouveau petit ami, pourtant il n'a pas l'air d'être au courant que tu es déjà fiancée.

Voilà ce qui arrive lorsqu'on invente de vilains mensonges à une infirmière qui est désormais aussi proche de votre famille que ne le serait une vieille tante. Tout est la faute de Charly.

— Charly et moi avons eu une période difficile. (Ce qui est vrai) Maintenant, ça va mieux. Pour ce qui est de Papa, il est contre l'idée que je batifole avec mon responsable, alors s'il-te-plait, garde ça pour toi. D'ailleurs, je vis chez Charly depuis quelques jours.

— Ah bah c'est génial tout ça ! Tu sais, je ne pense pas que ton père soit vraiment contre. Il veut juste te protéger, c'est tout. En tout cas, ça doit y aller fort, tous les deux.

Elle joue de ses sourcils et je comprends très vite où elle veut en venir.

Oh j'aimerai bien que ce qu'elle insinue soit une parfaite vérité. Mais ce n'est pas le cas.

Pas une seule fois. Je répète. Pas une seule fois nous n'avons baiser.

Ni fais l'amour. Ni de vulgaires préliminaires.

Ce n'est pas l'envie qui manque, et encore moins de la mauvaise volonté de ma part. Au contraire. J'ai envie qu'il me démonte, putain.

Mais à chaque fois que nos baisers deviennent plus torrides, j'ai le droit à un : "Je veux prendre mon temps avec toi, je ne veux pas tout gâcher" ,ou bien il fuit dans la salle de bain, prétextant une poussière dans l'œil et il revient toujours les yeux rouges. Ma chatte sent-elle l'oignon ou bien ?

Et puis, en quoi me faire l'amour pourrait me faire fuir à l'autre bout de la terre ? Il a un engin extraterrestre qu'il a peur de montrer ?

— Dommage qu'il fasse aussi moche.

Nous tournons simultanément nos têtes vers la fenêtre, où la pluie frappe énergiquement contre la vitre, et d'où nous pouvons voir les arbres se balancer dangereusement de gauche à droite.

— Elle est arrivée vraiment soudainement cette tempête. C'est rare qu'elles durent aussi longtemps en région parisienne. Apparemment, la Seine est à deux doigts de déborder, reprend-elle.

— C'est le cas dans certains arrondissements. Pas mal de stations de métro sont fermées, je suis obligé de prendre ma voiture pour me rendre au travail, mais je ne te raconte pas les bouchons monstres que je dois me taper. Je n'arrive quasiment jamais à l'heure.

— Ça doit être plutôt pratique que son mec gère son emploi du temps alors, déclare-t-elle tout en me faisant un clin d'œil.

— Pas faux. Sais-tu quand le Dr Solar arrive ?

— Tu t'es décidé à montrer ton bras ?

— Je ne préfère pas. J'ai essayé de faire mes recherches de mon côté et figure-toi que je suis tombé sur un drôle de livre de médecine.

— Pourtant, j'ai retourné toute la bibliothèque de l'hôpital. On possède presque toutes les références, et je n'ai trouvé aucune info sur ton bras.

Dois-je lui parler de la créature ? Je fais confiance à Lucy plus qu'à n'importe qui dans cet hôpital.

— Moi non plus. Mais je crois avoir trouvé quelque chose sur la maladie de Papa.

Elle ouvre de grands yeux satisfait, ça serait bien une première avancée pour guérir mon père, après tout. Et dire que j'ai toujours cru qu'elle était mauvaise et aigrie, en fait elle est plutôt drôle et fort sympathique. J'éprouve même un certain attachement pour cette femme.

Nous sommes interrompus par quelques coups sur la porte. Le Dr.Solar entre, un large sourire aux lèvres en nous apercevant.

— Arianne ! (Il se précipite pour me serrer la main) Ça n'a pas été trop difficile de venir jusqu'ici par un temps pareille ? me demande-t-il poliment.

— Ce n'est rien, il faut juste rouler plus prudemment. Un ami qui habite sur Paris m'a proposé de rester chez lui à partir de ce soir si jamais elle se prolonge encore.

— Ça ne va pas s'arrêter tout de suite. Moi qui me faisait un plaisir de voir la pleine lune sous un ciel de printemps, c'est raté, se plaint le médecin.

Le bipeur de Lucy sonne.

— Bon, je vous laisse tous les deux. Je dois retourner m'occuper des autres patients. On poursuivra notre discussion plus tard Arianne. Ok ?

Je lui fais un clin d'œil d'approbation alors qu'elle quitte la chambre.

Ce n'est qu'après son départ et une fois que le silence règne, que je me rends compte que la machine de mon père est assez bruyante. A moins que ce ne soit la proximité du Dr.Solar qui ne me rende nerveuse.

— Assis-toi, je t'en prie.

— J'ai passé une heure dans les bouchons, ne vous inquiétez pas.

— Bien.

Il s'appuie contre la porte et prend une allure plus sérieuse.

— Comme tu le sais, l'état de ton père ne se dégrade plus depuis qu'il est ici, mais il ne s'améliore pas pour autant. L'envoyer par hélicoptère aux Etats-Unis est bien trop ambitieux. Mais figure toi que j'ai réussi à obtenir l'autorisation pour faire venir le spécialiste, ici.

— Enfin ! J'ai cru que vous ne vouliez pas le guérir, je glousse en sautant sur mes pieds.

Ma remarque ne semble pas l'amuser et j'arrête ma danse de la joie.

— J'ai fais de mon mieux, Arianne. Et puis, ce n'est pas parce que je fais venir quelqu'un qu'il aura une solution, tu en es consciente ?

Ça y est, j'ai le moral dans les chaussettes. Mon coeur vient de faire les montagnes russes à cause de ce satané médecin. Il n'était pourtant pas comme ça, avant. Il se donnait beaucoup plus de mal pour mon père.

— Il devrait arriver dans quelques jours, juste un brin de paperasse à fignoler dans son cabinet et il prend le premier vol pour Paris.

— On est plus à ça près, de toute façon.

Il force un sourire.

— Bien en attendant, évite de le surmener avant l'arrivée du spécialiste. Si tu as des choses à lui dire qui pourrait le perturber, tu ferais mieux de prendre des pincettes ou de ne rien dire. Son cœur est très fragile.

Je hoche la tête pendant qu'il me salue et s'en va. Je viens m'agenouiller près de mon père. Il dort paisiblement. Est-ce qu'il est heureux quand il dort ? Parfois je pense, que s'il partait apaisé, j'accepterais beaucoup mieux la possibilité qu'il n'en réchappe pas.  

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