CHAPITRE 53

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Un malaise s'est installé entre nous trois. Plus personne n'ose ouvrir la bouche. La disparition de Yamina, le changement d'humeur de Charly, tout s'explique. Et dire que je me sentais coupable...

— Tu vois, je me trompais pas quand je disais "connasse de copine".

— C'est pas que ton responsable, pas vrai ? me demande Matt, gêné.

— Ce n'est pas mon mec.

— Mais Yamina savait pertinemment que t'étais en chien sur lui depuis un an ! braille Louis. Putain, qu'est-ce que je vais foutre maintenant avec deux cœurs brisés ?

Mon cœur est brisé ? Je ne sais pas trop. L'information a encore du mal à monter jusqu'au cerveau. C'est comme si je venais d'apprendre le décès soudain de quelqu'un en parfaite santé. C'est inimaginable.

— Et il n'y pas que cette vidéo...rajoute Matt.

Il m'incite à prendre le téléphone directement dans mes mains. Je défile le feed de Yamina, et chaque photo sur laquelle je tombe est plus frappante que celle qui la précède.

— Mais je n'ai jamais rien vu de tel ...

— Comme c'est une mytho qui assume rien, je suppose qu'elle a dû te bloquer le contenu.

Je regarde plus précisément les photos. Ils sont la plupart du temps entourés des copines de Yamina, mais il y en a quand même plusieurs où ils ne sont que tous les deux. C'est tout récent en vu des dates... Sont-ils vraiment ensemble ?

Un côté sombre de ma personnalité est en train de faire son apparition. Elle m'a menti et il m'a pris pour une conne. Sait-il au moins qu'il se tape ma meilleure amie ? Quelle conne je fais, j'aurai du me douter que quelque chose n'allait pas quand elle essayé de me dissuader de courir derrière Charly pour Enzo. C'était pour avoir le champ libre.

Je n'ai qu'une seule envie: débarquer chez elle et lui faire cracher la vérité.

Les yeux rougis de Matt, me console quelque peu. Au moins je ne suis pas la seule victime dans cette histoire. Ça me permet de ne pas couler car on partage la même souffrance. A défaut que Charly ne m'avait fait aucune promesse, là et la nuance.

— Tu sais quoi Matt ? C'est pas grave. On vaut bien mieux que cette connasse infidèle, pas vrai ? Alors maintenant tu vas sourire. T'inspires un bon coup, t'essuie ton nez et tu t'arranges pour serrer une jolie meuf ce soir. T'es beau comme un camion alors profite de ton célibat !

Matt rit.

— T'es vraiment cool comme meuf, je comprends pourquoi Louis nous a tous dit de pas t'approcher.

— Je croyais que c'était parce que je leur faisais peur ? je demande à Louis en le dévisageant.

— C'était un mensonge, avoue-t-il en sifflotant d'un air innocent.

Quel enculé. Alors il dit à tout le monde de ne pas m'approcher, sauf Enzo, c'est ça ?

Quelqu'un frappe contre la vitre. Nous tournons tous la tête en direction du bruit. C'est Carole et Emy qui saute sur place en braillant des choses inintelligibles qui les font bien rire. Merci le double vitrage. Puis elles se mettent à faire des grimaces comme des gosses. Mais à quoi jouent-t-elles ?

Carole fait glisser la fenêtre et toutes les deux s'incrustent sur le balcon.

— C'est réunion Tupperware et on n'est même pas invité ? boude Emy en plaçant ses bras sur ses hanches.

— On vient de terminer la réunion à l'instant, je lui répond tout en adressant un clin d'œil à Matt dont les larmes ont séché et laissé place à un visage serein.

— Tu m'avais dit cinq minutes, Arianne ! s'agace-t-elle. Bon, puisque je ne peux pas me fier à toi, je vais choisir un autre partenaire de danse.

— Qui n'est autre que moi, roucoule Carole en s'accrochant au bras d'Emy.

— Non, je ne parlais pas de toi !

Elle secoue son bras pour faire lâcher prise à Carole puis vient s'asseoir sur les genoux de Matt.

Elles sont complètement déchirés ma parole...

La pauvre Matt ne s'y attendait pas. Il ne sait même pas où mettre ses mains. Emy, assise face à son visage, lui enserre le corps pour lui faire un gros câlin.

— Tu viens danser avec moi gros balourd ?

— Si tu peux arrêter de m'étouffer pourquoi pas...

Matt se redresse en guidant Emy sur ses pieds, puis ils disparaissent dans le salon. Louis et moi nous tournons vers Carole qui s'est retrouvée par terre lorsqu'Emy a secoué son bras. Elle s'est positionnée en tailleur et nous regarde absente.

— Ça va tu ne te sens pas trop sans amis ? la taquine Louis.

Carole lui tire la langue et s'en va à la suite des deux autres.

— Partez pas sans moi !

J'inspire un grand coup et me rapproche de la rambarde pour admirer la lune.

— Je ne te dirais pas "désolé" parce que je t'avais prévenu, mais est-ce que ça va ?

Je pivote la tête vers Louis et lui adresse un sourire timide.

— Pour l'instant, ouais. Je me sens juste un peu conne. C'est pas possible d'être aveugle à ce point.

— T'es pas là seule à t'être fait avoir et tu seras sûrement pas la dernière. J'espère qu'au moins après ça, tu ne me parleras plus d'elle.

— Je veux quand même avoir sa version. Je sais qu'il faut se fier à l'intuition, mais je pourrais tout aussi bien tirer des conclusions hâtives.

— Ma foi, si ça peut te rassurer... Au fait, Ilyan m'a rappelé.

Mon cerveau s'éclaire. Ce n'est peut-être pas la fin de tout.

— T'excite pas trop, ça n'a rien donné de concluant. Aucune info sur son identité, et d'ailleurs, elle donne jamais le même prénom.

— Comme quelqu'un qui a des choses à cacher.

— Exactement. En dehors de ça, j'ai pas d'âge, pas de métier. Peut-être escort mais apparemment elle rentre toujours avec de jeunes clients, ce qui n'est pas très logique.

— Si c'est une créature qui aspire la vie des gens, il y a plutôt intérêt à ce qu'ils soient jeunes, alors ça tient la route. L'argent ne rentre pas en ligne de mire.

— Alors pourquoi ton père ?

— Ca, c'est une très bonne question.

— Elle rentre avec un mec différent chaque fois, mais ne fricotte jamais avec eux dans le club. Pourtant, elle ne s'est pas gêné dans le bar.

— Elle vise des endroits où les jeunes se retrouvent, mais ça ne veut pas dire pour autant qu'elle peut agir comme bon lui semble. Il y a sans doute trop de monde dans le club pour pouvoir chasser en toute discrétion.

— Ça me donne des frissons quand tu dis "chasser", gémit Louis en se tortillant. En bref, on a ni l'un ni l'autre quelque chose de concret. Si t'étais pas au courant pour ton responsable et Yamina, je suppose que ça fait un moment que vous n'avez pas discuté.

Sa réflexion a comme l'effet d'un couteau qu'on retourne dans une plaie sanguinolente.

— Je ne vais pas avoir le choix, c'est la dernière piste qu'on a ...

Quelqu'un frappe contre la vite à nouveau, mais cette fois ce ne sont pas les filles.

Enzo me fait signe de la main de ramener mes fesses, en mimant deux personnes qui dansent ensemble.

— Oublie Charly et va danser avec lui. Ça te fera du bien, propose Louis.

Je l'embrasse sur la joue et retourne dans le séjour. 

DIAMOND SCHOOL TOME 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant