CHAPITRE 80

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La succube est penchée au-dessus de mon père, pour être plus exacte: au-dessus des lèvres de Papa. L'étrange lumière bleue provient du flux qui passe à travers leurs bouches. Comme si elle s'abreuvait d'une substance riche, rare et délicieuse dont il ne faudrait pas perdre une goutte.

Un bref coup d'œil vers mon père me sort de ma contemplation et me ramène à la triste réalité. Elle est en train de l'achever.

Il est amorphe, comme lobotomisé et ses yeux ont pris une étrange teinte. Ils sont comme un miroir: transparent et brillant. Pas besoin d'être une flèche pour comprendre qu'il est en mauvaise posture et qu'il risque d'y rester si je reste plantée devant la porte.

— Arrête ça tout de suite ! je lui hurle en avançant à taton vers l'étrange lumière.

La belle nordique tressaille en entendant ma voix, écarquille les yeux en m'apercevant, mais continue.

Elle va le tuer !!

Je n'ose pas l'approcher. Et si au lieu d'aider Papa je provoquais sa fin ? Mais il faut que je fasse quelque chose. Je ne peux pas la laisser faire. Je dois agir !

— J'AI DIT STOP ! je gronde.

Mon cœur se presse douloureusement un bref instant et la belle nordique est propulsée violemment contre le mur. La fenêtre explose en mille morceaux et le mur se fissure avant de s'effondrer dans la cour, laissant un trou béant dans la chambre d'hôpital.

Emeline ne bouge plus. Elle est affaissée mollement contre le mur.

C'est moi qui ai fait ça ? Je l'ai tué ?

J'avance de quelques pas et la voie frémir douloureusement. Elle est pleine de poussière et d'écorchures sur le visage et les avants bras.

Je n'y suis pas allée de main morte, mais au moins elle est vivante.

Mais qu'est-ce que je viens de faire ? Depuis quand suis-je capable d'envoyer valdinguer les gens à la simple force de mon esprit ?

On verra ça plus tard, Arianne. Pour l'instant, trouves un moyen de te sortir de cette panade avant que les infirmières de garde ne débarquent et fassent un drame.

Ou que les flics débarquent.

Tu viens de détruire un mur Arianne. Un putain de mur. Les infirmières sont le cadet de tes soucis.

Que devrais-je faire ? Sortir Papa de là ? Ou attendre patiemment que les flics se pointent et s'occupent de cette garce ?

La pourriture est à terre, mais mon père est dans un état tout aussi déplorable. Il ne bouge pas et les signes vitaux sont en chute libre.

Je me rue sur lui, tâte son poignet et écoute sa respiration, l'oreille sur sa cage thoracique. Son pouls est distinct, alors pourquoi ses signes vitaux ne cessent de se dégrader ?

— Que lui as-tu fais sale sorcière ?

Elle me lorgne de son tas de gravats et me fait un magnifique rictus qui n'a rien d'angélique ce coup-ci.

— Je suis venue achever ce que j'ai commencé, ni plus ni moins, me répond-elle.

— Ça ne répond pas à ma question.

Elle commence à bouger, faisant tomber sur le sol quelques débris. Elle a l'air moins secouée que quelques instants plus tôt. C'est peut-être moi, mais plus elle se redresse et plus j'ai l'impression qu'elle pète la forme. Comme si elle ne venait pas de se faire éclater contre un mur, qui n'a lui-même pas tenu le choc.

DIAMOND SCHOOL TOME 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant