Chapitre 46

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Il avait un acouphène. C'était la première chose à laquelle il avait pensé. Et juste après l'avoir pensé, il eut mal à la tête, comme si son cerveau se retournait dans tous les sens. Il essaya de se redresser et finit par tomber au sol avant de vomir. Il avait mal aux reins, et dans tout le bas du dos. Et il était nu.

Il cligna de nombreuses fois des yeux, mais il ne voyait presque rien. Il arrivait à peine à distinguer quelques formes, et la manque de luminosité ne l'aidait vraiment pas. Il tâtonna vaguement la moquette et attrapa les vêtements qui lui tombaient sous la main, les enfilant lentement.

Il se leva et tituba quelques secondes avant de s'appuyer contre le mur, se mordant la lèvre pour reprendre conscience. Il jeta un coup d'oeil vers le lit, où était allongé son professeur, lui aussi déshabillé. Il vomit une nouvelle fois et fit quelques pas vers la salle de bains pour se passer de l'eau sur le visage.

Après de longues minutes, il parvint enfin à la porte d'entrée et sortit de la maison. Il prit sa moto et démarra lentement, s'engageant dans la rue silencieuse. Il n'arrivait plus à réfléchir, il n'arrivait plus à garder les yeux ouverts ni à se concentrer sur la route. La tête lui tournait, et il n'avait qu'une seule pensée : « je veux rentrer ».

Mais ce « je veux rentrer » ne voulait pas que Ciel rentre. Il voulait que la douleur s'arrête, que le son disparaisse de son oreille. L'adolescent se frappa le front et ferma les yeux. Il n'y avait personne sur la route, juste une immense ligne droite à parcourir. Il pouvait tenir. Il pouvait le supporter.

Je veux partir.

Et ce fut le trou noir.
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Lorsque Ciel se réveilla, il sentit les rayons chauds du soleil frapper ses paupières ainsi que le reste de son corps. Et lorsqu'il ouvrit les yeux, son regard rencontra du bleu. Seulement du bleu. Il bougea sa main, et ses doigts caressèrent l'herbe sur laquelle il était allongé.

Il se redressa lentement et regarda autour de lui. Il était entouré d'arbres et pouvait au loin distinguer des montagnes. Et devant lui, un lac. Et une silhouette, qui même si elle était de dos, lui était familière, et il la reconnut immédiatement. Il courut vers le blond et l'enlaça violemment. Et il n'avait plus l'odeur d'hôpital, plus la canule qui le caractérisait, plus les tuyaux qui l'emprisonnaient, il n'était plus le malade, il était seulement Aloïs.

- Jeune de dix sept ans, accident de moto, taux d'alcoolémie à 2,1. Conscient mais ne répond pas, multiples blessures et hémorragie interne. Faîtes un scan cérébral et on l'emmène au bloc !

- Tu m'as manqué... tu m'as tellement tellement manqué.

- Tu m'as manqué aussi. On marche un peu ?

Ciel sourit et attrapa sa main. Les deux adolescents commencèrent à avancer ensemble le long du lac, et c'était comme si rien n'avait jamais existé, comme si ils étaient seuls au monde, seulement eux deux sur une infinité d'époques et de lieux. Aloïs finit par s'asseoir sur la rive, les yeux fixés sur l'horizon, le regard attentif du bleu sur lui.

- C'est un bel endroit ici. J'aime y vivre.

- On pourrait y vivre ensemble. C'est mieux que n'importe où tant que tu y es.

- Mais c'est irréel. Rien n'existe, c'est juste ton imagination tordue qui veuille que je sois ici et que j'y passe une vie de rêve.

- Mon imagination tordue te donne un sourire. C'est tout ce qui compte, que tu sois enfin heureux.

- J'ai toujours été heureux Ciel. C'est toi qui ne l'étais pas, qui ne l'es toujours pas. Je suis mort. Condamné à vivre dans l'incarnation du paradis de chaque personne, à faire quelques apparitions pour rappeler aux gens de faire les bons choix.

Pour que ton souffle ne s'arrête pasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant