Chapitre 38

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Aloïs était toujours allongé sur son lit, son téléphone dans les mains. Il tourna la tête vers Ciel, qui se tenait devant la porte, et releva le coin de sa lèvre. Le bleu entra dans la chambre et s'assit près de son petit ami.

- Je suis désolé, pour hier. Je sais que c'est difficile et que tu avais besoin d'être seul.

Le blond tourna la tête pour nier et essaya vainement de se redresser. Il enleva lentement son masque qui l'empêchait de parler, bien que le tuyau dans sa bouche limitait encore son élocution.

- C'est pas toi. Tu n'as pas à t'excuser. C'est juste... c'est dur à admettre. Mais c'est comme ça. Je... j'ai peur. Je suis une bombe à retardement. Et là c'est comme si on avait coupé le mauvais fil, que le décompte s'accélérait. Je savais que ça allait arriver. C'est à moi de m'excuser.

- Non. On reste ensemble. Quoi qu'il advienne.

- Jusqu'à la fin. Tu n'avais pas dit dans ton discours qu'on allait au-delà de la mort ?

- Je n'avais pas tellement d'idées à ce moment là, j'ai dû improviser. Mais on va où tu veux ensemble.

- Tant mieux. Je trouve que l'éternité à te supporter, c'est beaucoup trop long.

Ciel sourit et déposa un baiser sur la joue du blond, avant de s'allonger à côté de lui. Aloïs reprit son téléphone et relança le film qu'il était en train de regarder. Le plus âgé regarda l'écran, puis l'adolescent, puis l'écran, et enfin posa sa tête contre le cou du plus jeune.

- Il meurt à la fin.

- Je ne voulais pas savoir.

- Je te le dis quand même. Je suis d'avis qu'il aurait pu rester en vie si ses parents avaient couru plus vite.

- Ciel.

- C'est vrai. Son père aurait pu.

- D'accord. Mais tais toi.

Il sourit et se cala encore un peu plus contre le corps frêle du blond. Il passa l'heure suivante à écouter chacune des ses faibles inspirations, à regarder chaque soulèvement de son torse, et finit par faire abstraction du reste. Il revint à la réalité uniquement quand Aloïs se mit à parler.

- Des poumons sont arrivés hier.

- Hum ?

- De ma taille. De mon groupe sanguin. Il avait dix sept ans. Et il était en parfaite santé. Accident de la route. Il est mort sur le coup. Et on était compatibles.

- Mais...

- Je ne peux pas avoir de transplantation. Je sais. Ça fait un an que je le sais. Il y a un an, j'aurais pu. J'aurais pu...

- Ne ressasses pas le passé.

- Mais ça a servi à quoi ? J'ai détruit ma vie, et elle est morte. J'ai fait ça pour rien. J'ai attrapé sa bactérie pour rien. Juste pour mourir. Et je vais mourir, et rien n'aura changé. Je ne vais pas laisser de trace de mon passage. Personne ne se souviendra de moi parce que personne ne me connaît. Les muco, ou même les gens qui savent qu'ils vont mourir font quelque chose. Ils créent une association, ils écrivent un livre, ils deviennent célèbres et ils laissent une trace. Pas moi. Et dans quarante ans, ça sera comme si je n'avais jamais existé.

- Je serais toujours là pour rappeler ton existence.

- Et après ? Qu'est ce qu'on retiendra de moi ? Que j'ai détruit la vie de mes parents avec des frais hospitaliers et des traitements ? Que j'ai détruit ta vie, et celle de tous ceux que j'ai côtoyé de près ?

- Tu sais que c'est faux.

- En partie. Une partie beaucoup trop infime.

- Et quand bien même, qu'est ce que ça change ? On ne naît pas pour accomplir une mission divine. On n'a pas besoin de se démarquer des autres, de changer le monde. Le monde nous est inconnu et on est inconnu du monde. C'est comme ça.

Le blond ne répondit pas et serra un peu plus fort la main de Ciel.

- J'aurais dû avoir l'Alzheimer, pas la mucoviscidose.

- Quoi ?

- Aloïs Alzheimer, c'est le nom de celui qui a découvert ça, ou un truc du genre.

- Ceci dit, si tu avais vraiment l'Alzheimer, tu m'aurais oublié, ce qui serait une très mauvaise chose. J'aime bien la muco. C'est plutôt classe, tant qu'on ne rentre pas dans les détails morbides.

Aloïs sourit et lança un nouveau film, ce qui fit soupirer le plus âgé.

- Pourquoi tu choisis toujours un film où les gens meurent ?

- Parce que dans la réalité les gens meurent. C'est juste qu'on évite de raconter ces histoires là. Mais elles existent.

- La joie et les histoires qui finissent bien, c'est génial aussi, tu devrais essayer.

- Tu détestes les films à l'eau de rose.

- Exact. Mais je pense qu'on est une histoire à l'eau de rose, donc il y a peut être des points positifs. Je suis prêt à donner une deuxième chance aux contes de fée.

- Je meurs à la fin de notre histoire.

- Tu m'embrasses avant.

Le blond obtempéra et déposa doucement ses lèvres sur celles du bleu. Quand ils étaient comme ça, tous les deux, rien ne paraissait insurmontable. Et pourtant, tout était très compliqué, et ils n'avaient pas fini de souffrir.

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J'ai écrit deux chapitres en deux jours, applaudissements

et je confirme, on approche

y aura peut être un chapitre intermédiaire de 620 mots, ça dépend de combien de mots il me faudra pour boucler l'autre chapitre

et si il y en a un je pense qu'il sera publié dimanche de la semaine prochaine et donc pour jeudi dans deux semaines, préparez les mouchoirs XD

Pour que ton souffle ne s'arrête pasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant