Chapitre 40

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Ce fut le dernier bon jour d'Aloïs. Après cela, il prenait trop de médicaments et restait dans un semi coma. Lorsqu'il était réveillé, tout ce qu'il demandait était des anti douleurs. Il ne parlait plus à Ciel, parfois il se contentait de le regarder avant de se rendormir. Sa respiration était devenue sifflante et le moindre faux mouvement le faisait souffrir.

Ciel devait être celui qui avait le plus de mal à supporter la situation. Son petit ami n'était plus son petit ami. Son corps était là, mais son esprit était parti ailleurs, pour ne plus jamais revenir. Son âme était morte, il ne restait que l'enveloppe charnelle. Et même cette dernière vivait ses dernières heures.

Les gens autour d'eux s'habituaient à la situation. Ils semblaient l'accepter plus ou moins douloureusement, mais ils l'acceptaient. Et c'était inconcevable. Un monde sans Aloïs n'était pas un monde. Mais un monde avec une moitié d'Aloïs n'était pas mieux.

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Ciel s'avança dans le couloir et rejoignit la chambre d'Aloïs. Le blond était allongé, dos à la porte, et semblait endormi. Le plus âgé s'avança donc et s'installa près de son corps chaud, attrapant sa main. Il sembla hésiter quelques instants puis approcha sa bouche de l'oreille du malade.

- Mon amour... il y a des choses dont je ne t'ai jamais parlé. Et je crois que plus le temps passe, plus je ressens ce besoin de tout te dire. Je ne veux pas te cacher ce que je ressens, mais je n'ai jamais eu le courage de te l'avouer. La vérité... c'est que tu m'as sauvé. Avant toi, j'étais perdu. Je n'avais plus rien qui me rattachait à la vie, et j'ai pensé à en finir. Plusieurs fois. Et à quelques jours près, j'en aurai fini. J'aurais arrêté de me battre. J'aurais rejoint ma mère, Chloé, et je ne t'aurais jamais rencontré. Mais j'ai survécu. Grâce à toi. Parce que tu es là. Parce que je sais que grâce à toi, je ne suis pas seul. Je ne le serai plus jamais. Tu m'as donné une raison de vivre. Si je me lèves tous les matins, c'est grâce à toi. Si je fais tous ces efforts pour être quelqu'un de meilleure, c'est grâce à toi. Je vis pour t'aimer, et je n'aurais cesse de t'aimer tout au long de ma vie. Et je m'étais promis de ne jamais laisser d'obstacle entre nous, de ne jamais partir. Mais cette promesse... j'ai l'impression de ne plus pouvoir la tenir. Je ne te laisserai pas, je m'y refuse, mais c'est tellement dur. J'ai peur. Je suis terrifié. J'ai essayé de rester fort, pour toi, pour moi. Mais mes forces m'abandonnent. Je ne peux pas imaginer la suite. Parce que tu n'y es pas, et c'est inconcevable. Et tu souffres, et je déteste le savoir, parce que je ne peux rien faire pour t'aider. Je ne peux plus. Je ne peux plus faire semblant, je ne peux plus rien faire, parce que j'ai peur. Et j'aimerais dire que je n'ai pas de regrets, mais ça aussi je ne peux plus. Je regrette tellement de choses. De ne pas t'avoir connu plus tôt. De ne pas avoir su que je t'aimais. De ne pas avoir passé chaque minute de mon existence à tes côtés. Mais surtout... Je regrette d'avoir perdu espoir. Je suis tellement désolé. Tu m'as offert une vie, et tu m'as comblé. Et moi, en retour, je ne suis capable de rien. Tu as été ma rédemption. Je t'aime. Je t'aime tellement.

Et lorsqu'Aloïs serra sa main, Ciel sut qu'il avait entendu chaque partie de son discours. Il laissa une larme rouler sur sa joue puis couler sur le visage du blond, rejoindre ses propres larmes.

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Prenez « le calme avant la tempête ». Pour moi qui vis sur la côte, cette expression ne signifie rien. Ce n'est pas calme une tempête, le ciel se couvre rapidement, le vent se lève, les vagues se font de plus en plus houleuses, et les gens accélèrent sur les routes pour rentrer chez eux. Au sens météorologique du terme, c'est tout sauf calme, avant une tempête.

Ce soir là, j'ai compris que j'avais peut-être été un peu trop littéral dans mon interprétation. Le calme avant la tempête, cela ne signifie pas forcément que le temps devenait soudain silencieux avant les rafales de vent. C'est avant tout une intuition. On ressent le calme avant la tempête. On ressent que le chaos approche et, volontairement, on fait abstraction de tout ce qui nous entoure, les bruits, les gens, l'atmosphère. Pendant un cours instant, on reste seul, pour réfléchir, pour essayer de gagner un peu de contrôle. Mais on n'y arrive pas, on est paralysé.

Pour que ton souffle ne s'arrête pasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant