2095 Cité sous-marine d'Auroville, Terre

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Les jours du monde tel que nous le connaissons sont comptés. Comme les passagers du Titanic, nous fonçons  dans la nuit noire en dansant et en riant, avec l'égoïsme et l'arrogance de ceux qui sont convaincus d'être "maîtres d'eux même comme de l'univers." Et pourtant, les signes annonciateurs du naufrage s'accumulent.

   Nicolas Hulot


        L'immense globe sous-marin reposait par quelques dizaines de mètres de fond sur un promontoire rocheux du golfe du Bengale. La cité d'Auroville, longtemps utopie terrestre peinant à l'autosuffisance était devenue une utopie rentable depuis son déménagement.

     L'immense globe sous-marin reposait par quelques dizaines de mètres de fond sur un promontoire rocheux du golfe du Bengale. La cité d'Auroville, longtemps utopie terrestre peinant à l'autosuffisance était devenue une utopie rentable depuis son déménagement.

        Plus grande structure sous-marine de la Terre et du système solaire, elle continuait de vivre hors du monde, autonome en énergie avec son réacteur à fusion. Mais la partie réservée aux «invités», en fait un vaste complexe touristique, permettait à ses habitants d'assurer une indépendance économique bienvenue pour poursuivre la voie philosophique de Mira Alfassa.

Cependant le centre des congrès de la ville était ce jour le lieu d'un bien étrange spectacle, peu compatible avec le mode de vie de ses habitants. « Aujourd'hui c'est my mini-war !!!! » hurlait le présentateur de channel Galaxy, autant pour les spectateurs présents sur place que pour le milliard de spectateurs virtuels disséminés à travers le système solaire.

Le match de ce soir était en effet tout à fait exceptionnel, car il opposait les siamois de Olaf Gustasson à Template, le robot humanoïde de gestion, dernier avatar de la société R.Olivaw. Olaf Gustasson était un des créateurs de la société Planetary Resources. Profitant de la fortune apportée par l'immense succès de la société d'exploitation minière extra-terrestre, il avait investi une partie de son capital dans la société Sapiens. Loin de l'appauvrir, le capital placé dans la société lui avait rapporté cent fois sa mise initiale. Sa fortune colossale dépassait la capacité d'abstraction humaine, ses capacités financières étaient simplement supérieures à la plupart des états du monde ! Grâce à ses parts dans Sapiens et avec son compte en banque Gustasson avait été l'un des premiers à devenir homo mécanicus. Il avait installé le super ordinateur dans lequel il devait se transférer au milieu d'une grande pyramide bâtie pour l'occasion au cœur de la Silicon Valley. Cette immense construction sans entrée était autonome en énergie, elle disposait en son sein d'une unité de production en imprimante 3D pour pouvoir s'auto réparer et produire tout ce dont elle avait besoin pour son fonctionnement. Certains moquèrent son mauvais goût, la plupart le jalousèrent secrètement. Certains le prirent pour un dieu, d'autre pour un démon.

Le modèle d'Olaf fut appliqué ensuite par les autres homo mécanicus. Ils construisirent des structures formidables en taille et en beauté, lançant une nouvelle ère architecturale.

Une fois son esprit installé au sein des microprocesseurs de son temple pyramidal, Olaf Gustasson avait fait construire deux pyramides métalliques identiques à la première, aussi bien par leur aspect extérieur que par leur agencement intérieur. Celles-ci étaient installées une en Asie et la seconde sur la Lune. Une fois les constructions achevées, il avait transféré les données du premier superordinateur vers les deux autres par le réseau. De cette façon il n'y avait plus un seul Olaf, mais trois qui avaient rapidement gagnés le surnom des frères siamois, ou en plus court siamois. A l'heure de cette finale du jeu le plus populaire du réseau, il était le seul à avoir choisi cette option si étrangère à l'esprit humain.

Quant à Template, son adversaire du jour, c'était un robot bipède de forme humanoïde qui devait remplacer les hommes politiques dans un avenir proche. Capable de marcher, de monter un escalier ou de s'asseoir dans une voiture, Template était fait d'un métal doré lui donnant un air de ressemblance avec un célèbre robot de la série Star Wars. Son visage était uniquement constitué d'un écran éclairé par de multiples diodes multicolores. Elles permettaient de l'humaniser, lui autorisant plusieurs expressions et lui donnant un air inoffensif et sympathique, deux concepts qu'il était bien incapable d'appréhender.

R.Olivaw effectuait actuellement un lobbying important pour obtenir le droit de présenter son robot pour les prochaines élections américaines. Cette finale était le point culminant de l'active et coûteuse campagne de la société. La confrontation atypique et le lieu très particulier choisi pour son déroulement promettait une audience exceptionnelle, probablement un record absolu selon les prévisions de Template lui-même qui ne connaissait pas le péché d'orgueil.

Chaque joueur avait fini de choisir ses drones, disposant devant lui d'une armée de blindés, soldats, canons, avions, hélicoptères, bateaux, sous-marins et de dizaines d'unités différentes mesurant quelques centimètres chacune. Ces drones miniatures étaient tous commandés par le joueur, expliquant l'impossibilité pour les humains de participer à ce jeu qui nécessitait de pouvoir contrôler des dizaines de pièces de façon coordonnée et simultanée.

La bataille débuta, la vitesse des drones était sévèrement bridée pour permettre aux spectateurs de suivre les combats. Une guerre d'attrition s'engagea entre les deux adversaires de niveau équivalent, et les débris de drones jonchaient maintenant le champ de bataille sans que la victoire ne choisisse son camp. Les raids aériens incessants des siamois frappaient durement l'outil productif de son adversaire, mais sans qu'il n'arrive à concrétiser son avantage sur le terrain. Template arrivait à chaque fois à concentrer ses armées au bon endroit pour repousser Siamois et à contre attaquer, entrainant des pertes sévères dans les rangs du mécanicus.

Maintenant, une sorte de pause tacite était respectée par les deux adversaires pour pouvoir reconstituer leurs armées. C'est à ce moment qu'un incident à la périphérie de la bataille en décida l'issu : un sous-marin de Template tomba par hasard sur un porte avion de Siamois qui accompagnait une petite flotte de ravitaillement pour une base aérienne située sur une île récemment conquise. Le porte avion se brisa en deux sous l'impact des torpilles, et sombra avec tous ses avions.

Ce fait d'arme n'était pas en lui-même déterminant, pourtant il changea la façon dont siamois jouait. Celui-ci perdit toute capacité d'initiative, comme si la peur d'un nouvel échec le paralysait. Battu psychologiquement par cette perte plus que stratégiquement, il perdit progressivement plusieurs positions clés jusqu'à rendre sa défense difficile et sembla dès lors attendre la fin de partie. Ses imprimantes 3D ne pouvaient plus remplacer les pertes subies, le robot n'avait plus qu'à avancer ses troupes sans s'occuper de son adversaire pour aller capturer la base ennemie et mettre fin à la partie.

Template devint peu après le premier robot sénateur des Etats Unis, suivant en cela la voie déjà empruntée par les Japonais. Au japon en effet, Quelques années avant la victoire de Template contre Siamois, un robot avait pris le poste de Premier ministre, une première mondiale. Le Japon avait réussi à mettre à sa tête un robot, un exploit qu'aucune femme n'avait pu accomplir dans le pays du soleil levant.

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