2118 Mars

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Un humain qui meurt c'est triste; un immortel qui meurt c'est bête.

Proverbe spatial

Le mécanicus martien qui refusait d'être appelé Siamois savourait la situation. C'était un moment rare, un peu hors du temps. Un combat, qui avait duré des années, prenait soudainement fin par une victoire complète, alors que les batailles du lendemain n'avaient pas encore commencé. Une grande sérénité l'habitait dans son refuge fait de microprocesseurs, de condensateurs et de composites électroniques divers. Il n'avait aucun souvenir de son origine humaine, et ne ressentait en rien les besoins insipides qui caractérisaient l'humanité, à l'exception de la vanité. Il savait que le sentiment de toute-puissance qui l'habitait en cet instant était de la vanité et le rattachait indubitablement à son origine humaine, mais il ne s'en formalisait pas. Il était le grand vainqueur de cette journée. Le reste de la flotte rebelle avait dû repartir vers Jupiter, laissant totalement intact la flotte martienne.

Il était libéré de la tutelle de la Lune grâce à eux, mais ne pouvait être considéré comme responsable de la destruction de celle-ci. Il était le seul sur Mars à comprendre le vrai sens de cet épisode. Durant toutes ces journées de guerre et jusqu'à cette terrible bataille, les Martiens étaient restés totalement ignorant des dangers qui les entouraient de toute part, continuant avec insouciance d'organiser leurs vies. L'immense lac artificielle de Tyrrhena restait la source d'attraction la plus prisé des colons de la planète rouge. Sous l'impulsion de ce temple de beauté, les artistes se multipliaient dans les différentes villes, amenant partout l'eau et la lumière. Les sombres villes souterraines se transformaient en œuvre de beauté qui avaient fini par vaincre la douce mélancolie des paysages terrestres. Maintenant les Martiens étaient profondément attachés à leur planète et n'envisageaient pas de retour sur leur planète originelle, même si cela avait été possible. Le mécanicus était respecté, aimé et écouté sans que les colons n'aient même conscience de l'enchevêtrements de mensonges qu'il avait construit pour les protéger, pour se protéger.

Ils n'avaient rien su de la préparation de la terrible bataille qui venait de se dérouler, ni de la non-participation de la grande flotte martienne qui avait pu prendre possession du champ de bataille et revendiquer la victoire sans avoir à tirer un seul coup. Le partage du pouvoir était clair : à lui le système solaire, à l'assemblé martienne la gestion de la planète. Celle-ci venait de faire ressurgir du passé de l'humanité un outil qui avait disparu au moment de la grande catastrophe : l'argent. Les colons étaient trop nombreux, les tâches à accomplir trop variées pour pouvoir continuer avec le système collectif qui organisait les tâches de chacun depuis la constitution de la colonie. Il fallait maintenant un système de sanction/récompense qui puisse permettre à chaque Martien d'exprimer le meilleur de lui-même. On n'avait rien inventé de mieux dans ce domaine que l'argent. Mars fut la première colonie à mettre un place un système monétaire entièrement virtuel en donnant naissance au crédit martien. Chaque habitant adulte avait droit à une dotation quotidienne qu'il pouvait accroitre en choisissant parmi les nombreuses missions proposées par l'assemblée martienne.

Mais ces aspects du quotidien ne concernaient pas le mécanicus, sa tâche n'était pas finie. Contrôler les autres planètes ne l'intéressait pas, seul son indépendance complète si durement obtenue en ce jour lui importait. Pour éviter de devoir subir un nouveau joug, il lui fallait profiter de son avantage stratégique en renforçant encore son potentiel militaire. Imposant pour la première fois aux martiens des restrictions, il lança un gigantesque programme de constructions spatiales, laissant les différents vaisseaux de guerre produits former un anneau de métal autour de la planète rouge, bien visible de tous. Mars devait apparaitre comme le monde dominateur que lui conférait son statut de plus grande colonie humaine du système solaire. Mars devait devenir la nouvelle planète coeur de l'humanité. Mars la rouge prenait la place de Terre la bleue.

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