Poussières d'étoiles,
Nous sommes nés de la mort de ces astres.
Pourtant, tous, nous fuyons la mort.
Pauvres humains, pauvre de moi.
Pensées du soir. Tien Kong
L'étrange vaisseau était maintenant tout proche. Ils réglèrent leur allure sur lui pour cheminer à ses côtés. Utilisant leurs multiples senseurs, ils essayaient d'en déterminer la nature, car ils ne possédaient aucun hublot pour pouvoir effectuer une observation directe. Ami ou ennemi ? Vivant ou mort ? Dangereux ou pas ? Enfin, de quelle origine pouvait bien être cet étrange engin, que l'on retrouvait maintenant en projection 3D dans la grande fosse centrale. Les entités l'observaient avec avidité, consciente de vivre un moment historique. C'était peut-être la première rencontre extraterrestre de toute leur histoire.
Nettement plus petit qu'eux même, le vaisseau inconnu avait une forme allongée, arrondie, oblong un peu à la façon d'un Tiyar. De larges ouvertures apparaissaient, tout au long de son fuselage. Quelques créatures de métal œuvraient le long de ses flancs, probablement pour effectuer des réparations. Des huit réacteurs arrière, quatre seulement étaient en fonctionnement, propulsant péniblement le vaisseau qui semblait déjà avoir effectué un long voyage. Les analyses étaient formelles : aucune vie n'était présente à bord. Il s'agissait soit d'un vaisseau fantôme, soit d'un vaisseau automatisé. Il fallait aller vérifier sur place. La pleine conscience désigna rapidement l'entité devant se charger de cette mission. Celui-ci s'installa immédiatement dans l'alcôve connectique, pour détacher son double du vaisseau mère et s'approcher prudemment du mystérieux voyageur galactique. Tous les sens en éveil, il lui apparut immédiatement que l'engin était fonctionnel. Aucun dommage majeur n'était visible, plusieurs diodes émettaient un pâle éclairage en des points qui lui semblait totalement aléatoire et les robots glissant sur sa coque étaient tous en parfait état de fonctionnement.
S'approchant encore, il put pénétrer à l'intérieur de la structure par une baie largement ouverte, arrivant sur une petite plateforme sans issue. Au moment où il survolait l'extrémité de la cavité, un pan de la paroi s'affaissa, dévoilant un large passage qui permettait d'accéder à un court boyau recouvert de givre. Après un moment de concertation avec la pleine conscience, il pénétra dans l'étrange passage. La paroi se referma derrière lui. S'approchant de nouveau du mur, il fut soulagé de constater que celui-ci s'ouvrait automatiquement. A travers l'ouverture, il pouvait toujours apercevoir sa propre matrice, qui maintenait son allure pour rester bord à bord avec la machine étrangère. L'exploration de l'intérieur de l'objet fut rapide. Le court passage où il se trouvait donnait sur un long boyau parcourant l'engin sur toute la longueur. De nombreux passages partaient de part et d'autre, mais sans jamais permettre de voir autre chose que des parois recouvertes de glace. A l'arrière, le grand passage donnait directement sur un vaste emplacement où se trouvaient de nombreuses machines, probablement nécessaires à la propulsion, mais l'ensemble semblait tellement archaïque ! Au moins ici, les appareils étaient bien visibles. La température était maintenue aux alentours de zéro degré, empêchant l'eau de faire sa mutation en glace. De cet endroit, il découvrit rapidement un autre mur escamotable menant directement à une seconde pièce qui contenait une grande machine étrange. Elle se distinguait par les nombreuses lumières clignotantes sur son fronton, mais sans aucun artefact de contact. Il n'était visiblement pas possible de communiquer avec cette machine. C'était probablement un vaisseau automatisé, conclut l'entité. Peut-être un explorateur, car aucune arme ne semblait présente.
A l'évidence cet objet ne présentait aucune menace. La pleine conscience, qui avait fini ses analyses, décida que sa destruction n'était pas nécessaire. Qu'il poursuive sa route pour le moment. Il serait facile pour un autre vaisseau de le récupérer et de le transporter jusqu'à Proxima Virginis, puis de procéder aux analyses complètes pour percer tous les secrets de son origine.
Utilisant son tore pour déformer l'espace-temps, la pleine conscience pris soin d'avertir sa base et de lui fournir les coordonnées de l'objet pour qu'une matrice-soute vienne le récupérer. Réactivant alors toute la puissance de ses réacteurs, la matrice s'éloigna rapidement pour reprendre le cours de sa mission.
Pour la première fois depuis longtemps, longtemps au point qu'il était incapable de dire combien temps, Allan junior était hors de ses mondes virtuels. Il observa l'étrange vaisseau qui commençait à s'éloigner d'eux, d'abord doucement, puis atteignant rapidement une vitesse phénoménale, totalement hors de portée de n'importe quel vaisseau humain.
Ce vaisseau était beaucoup plus grand qu'eux même, un peu de la taille d'un Dreadnought lunaire. Cependant, sa conception était totalement originale. Il s'agissait d'une sphère sans aucun moteur apparent, et pourtant capable de de se déplacer formidablement vite. Aucun hublot n'était visible, mais les senseurs avaient retrouvé de la chaleur à l'intérieur de sa coque : la température était maintenue au-dessus de 0°. La densité de l'engin était étonnante, la seule explication possible était qu'il n'était pas rempli d'une atmosphère artificielle, mais d'un liquide.
Toutes les analyses confirmaient que l'engin n'appartenait pas au système solaire, il n'était pas humain. L'étrange être qui les avait abordé pour explorer les froids couloirs du Freetown était probablement une espèce de drone. Entièrement fait d'un métal noir, comme le métal du vaisseau, il ne semblait pas posséder de propulsion mais se déplaçait pourtant avec fluidité. De forme ovale, la partie avant possédant ce qui ressemblait à un œil ou à une caméra et deux tentacules de métal, semblant servir à interagir avec son environnement. Rien ne ressemblait à une arme, mais l'ensemble était tellement étrange qu'Allan junior n'aurait pu l'affirmer. En effet, la structure du drone qui semblait à première vue totalement rigide pouvait largement se déformer, l'enveloppe métallique semblait dure comme du métal mais en même temps souple comme du tissu. Il avait aussi cru voir le vaisseau inconnu se déformer au moment où il s'éloignait, mais il n'en était pas sûr.
L'espace était de nouveau vide maintenant, le Freetown continuait son voyage sans fin vers une destination qui n'avait finalement aucune importance. Ses mondes virtuels l'attendaient et il s'y replongea avec délectation, faisant taire la petite voix lui disant qu'il avait tort de ne pas prendre en considération l'étrange rencontre.
Quelques années plus tard, une autre alerte vint le prévenir d'une nouvelle intrusion. Un immense vaisseau était repéré dans le périmètre du Freetown. Il refusa de sortir du monde virtuel qu'il était en train de modifier, ajoutant les fonds marins jusqu'à là négligés. Les réacteurs cessèrent bientôt de fonctionner, l'obligeant cette fois à se reconnecter au monde extérieur. L'espace avait disparu du champ des différentes caméras. A la place du vide spatial, on pouvait voir tout autour du Freetown des parois fait d'un métal noir qu'il avait déjà vu. Aucune sortie n'était visible, ni aucune animation dans ce qui ressemblait à un immense hangar. Le Freetown n'était pas armé. De toute façon, une arme semblait totalement inadaptée en raison de la grandeur de l'engin capable d'enfermer tout entier un vaisseau de leur taille. Après encore un moment de réflexion, Allan junior en conclut qu'il n'avait aucune action possible. Autant mettre tous les contrôles en veille pour économiser l'énergie et retrouver ses mondes et ses amis.
Finalement, contre toute attente, le multi-mécanicus acheva son voyage jusqu'à une nouvelle étoile, réalisant pour les humains la première voie spatiale inter-solaire. Mais les colons spatiaux ne trouvèrent pas le monde riche et vierge qu'ils étaient venus chercher en fuyant la guerre, Proxima Virginis était déjà peuplée par une race intelligente et certainement en avance technologiquement sur eux.
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Xeno-mondes
Science Fiction2099, l'humanité est entrée dans une phase d'expansion que rien ne semble pouvoir contrarier. Les progrès technologiques rendent facilement accessible les voyages spatiaux, l'intelligence artificielle permet dans tous les domaines une révolution sci...