A l'échelle astronomique, la lumière progresse à pas de tortue. Les nouvelles qu'elle nous apporte ne sont plus fraîche du tout!
Hubert Reeves
Cela faisait déjà quelques semaines que les drones amphibies Eryops, accompagnés de leur vaisseau de support, avaient quitté la base de Puerto Madryn. Siamois avait subi plusieurs défaites contre cet adversaire invisible qui pillait les ressources de la Terre. Ces attaques avaient rendu indispensable la mise en place d'une grande base terrestre pour protéger les navettes « Noé » et annihiler l'ennemi. Siamois avait sélectionné lui-même son emplacement, choisissant le site de Puerto Madryn, en Argentine, en raison de sa faible radioactivité et de sa géographie favorable à ces projets. Il était temps. Le départ d'une fusée de la Terre vers Saturne, un peu avant que la base ne soit finie, avait confirmé que la Terre était en état de rébellion face au premier empire. Mais cet acte était le dernier coup d'un adversaire dos au mur. Depuis la construction de la base avancée et la mise en place des flottes de drones de combat, l'emprise du mécanicus sur la Terre était totale. Les drones amphibies Eryops avaient été spécialement conçus par Siamois pour contrer son adversaire aquatique. Ils avaient un armement conséquent et étaient aussi efficaces en vol atmosphériques qu'en plongée profonde. En plus de la protection des vaisseaux de type Noé, la chasse aux Mécanicus terrestres avait fait partie de leurs premières missions. Celle-ci était achevée : ils avaient tous été visités, en vain. Il n'y en avait pas un qui avait survécu à la catastrophe. Une fois encore Siamois arrivait trop tard, tous avaient subi des pillages et leurs drones et matériaux précieux avait, à chaque fois, disparus.
La conclusion était simple, car un seul mécanicus resta introuvable, malgré l'inépuisable quête des Eryops, le Barracuda de Chihiro Yoshida.
L'ennemi était maintenant identifié, et les Eryops en explorant les fonds marins participaient à cette pêche planétaire en vain jusqu'à ce jour.
Mais les stocks de vivres volés par le sous-marin ne pouvaient être prévus pour alimenter le mécanicus marin, des survivants humains devaient être regroupés quelque part et eux aussi étaient traqués, sans résultat jusqu'à maintenant.
Les Eryops étaient maintenant à la verticale d'Auroville et plongèrent entre les vagues en formant une énorme nasse centrée sur la ville sous-marine. Les canons prêts, les premiers drones arrivaient à portée de leur objectif qui était situé à une faible profondeur, s'apprêtant à détruire ou tuer une éventuelle cible de chair ou de silicium.
Une fois encore leur chasse était vaine, le dôme d'Auroville était largement éventré et quelques rares poissons étaient maintenant les seuls habitants de l'ancienne ville sous-marine. Une rapide exploration ne révéla aucune trace de vie ou d'activité récente, la ville n'avait visiblement pas survécu au cataclysme.
Déjà les Eryops repartaient en chasse vers d'autres cibles, quadrillant la planète inlassablement de jour comme de nuit, si cette distinction avait encore un sens alors que le soleil n'était plus visible à la surface de la Terre depuis la catastrophe.
Si Template avait été humain, il aurait été fier de lui et du succès de ses travaux. La nouvelle Auroville s'étendait devant lui, se dévoilant largement du haut du pilier central du dôme principal. Le sommet de ce pilier devait être l'entrée principale dans la cité sous-marine, mais les sorties latérales étaient les plus utilisés par les drones et les scaphandriers. De fait, seul le Barracuda était arrivé par la partie supérieure de la cité, comme cela était prévu depuis le début par Template. Des corridors transparents reliaient le dôme principal aux dômes annexes situés autour, ceux-ci abritaient des centres de production, des plantations sous éclairage artificiel et même une forêt où volaient des oiseaux et des abeilles. Un peu plus loin, les caméras de Template n'avaient aucune difficulté à suivre la progression des robots extracteurs qui creusaient les fonds marins pour récupérer les ressources utilisées par les usines 3D toute neuves qui s'alignaient sous un dôme, à l'écart du reste de la cité. La glace de la banquise polaire, qui se trouvait un peu au-dessus, d'eux reflétait les lumières de la cité, la couvrant d'un ciel scintillant comme s'il était constitué de mille étoiles. Le spectacle était exceptionnel et la beauté du site participait à rendre heureux les habitants d'Auroville, auxquels étaient venu s'ajouter quelques groupes de survivants récupérés par le Barracuda sur l'ensemble du globe terrestre.
Les robots sentinelles placés par Template avaient confirmé la chasse planétaire initiée par Siamois, avec ses moyens quasi illimités et son acharnement de machine. L'abandon de l'ancienne Auroville se révélait être un choix judicieux. Le robot s'étonna de nouveau de la facilité avec laquelle on pouvait prédire le comportement des humains.
Aussitôt après avoir récupéré le pouvoir, il avait débuté la construction d'une nouvelle ville sous-marine, plus adaptée à vivre en autarcie et surtout beaucoup plus difficile à trouver. La banquise polaire lui avait immédiatement semblé le meilleur choix car son épaisseur empêchait toute intrusion à partir du ciel, obligeant un ennemi potentiel à effectuer un long parcours sous-marin avant de pouvoir arriver jusqu'à Auroville. La particularité et la beauté du lieu lui avait semblé aussi un bon argument au moment de présenter le site aux terriens qui l'avaient élu.
Le nouvel emplacement, situé sous la banquise proche du pôle nord, était sûr pour le moment, mais jusqu'à quand ?
C'était la difficulté majeure à laquelle était confrontée Template : il ne pouvait espérer gagner dans le cas d'un affrontement frontal avec Siamois qui disposait de beaucoup plus de ressources et dont la base principale, située sur la Lune, était inaccessible pour eux. Des robots sentinelles surveillait les actions de l'adversaire. Immobiles au fond des océans, des batteries de défenses étaient disposés tout autour d'Auroville. Tout cela ne permettait que de gagner du temps et ne pouvait mener à la victoire. En l'état des forces, la défaite était obligatoire. Un jour, Auroville ou bien le Barracuda finiraient par être localisés, leurs moyens de défense se révèleraient alors dérisoires.
Seule une hypothétique intervention extérieure pouvait changer le rapport de force en leur faveur mais l'empire solaire avait déjà digéré Mercure, Vénus et Mars. Comment espérer une résistance de Saturne ou de Jupiter ? Ils n'étaient pas de taille à lutter. Cependant, il ne fallait pas négliger cette piste, et la fusée qui traçait maintenant sa route vers Saturne devait pouvoir apporter une réponse à cette question.
Pour le moment, une stratégie un peu désespérée pouvait être tentée. Il existait un vieux moyen de gagner du temps : faire croire à son ennemi qu'il avait la victoire en faisant le mort, puis attendre le bon moment pour une frappe décisive. Aux échecs, il faut savoir sacrifier une pièce, même s'il s'agit de la reine, pour gagner la partie.
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Xeno-mondes
Science Fiction2099, l'humanité est entrée dans une phase d'expansion que rien ne semble pouvoir contrarier. Les progrès technologiques rendent facilement accessible les voyages spatiaux, l'intelligence artificielle permet dans tous les domaines une révolution sci...