2104 Base scientifique de Titan

3 0 0
                                    

Dieux n'existe pas, je ne l'ai pas rencontré. 

Youri Gagarine

L'image qui apparaissait maintenant devant le Novodievitchi était magnifique. Alors que Titan grossissait, son épaisse atmosphère empêchait de voir le sol. En compensation, elle enveloppait la lune de Saturne d'un manteau gazeux brun orangé, chatoyant, qui la rendait vraiment accueillante aux cosmonautes du vaisseau. Derrière Titan, presque à portée de main, Saturne, qui était immense bloquait le regard. La géante gazeuse, avec sa ceinture d'anneaux, était certainement un des plus beaux objets du système solaire.

« Les cosmonautes se divisaient entre ceux qui avaient voyagés jusqu'à Saturne et les autres. » Ce vieil adage des temps anciens faisait sens devant cette perspective à nulle autre pareille. La planète servait pour le moment d'arrière-plan à Titan, offrant ainsi sa robe éthérée qui chassait l'impression de noir et de vide qu'ils avaient ressentis durant leur long voyage. Le vide occupait la quasi-totalité de l'univers, le monde coloré qui se présentait maintenant à eux était plus que bienvenu. Colomb d'un nouveau genre, après avoir navigué longtemps sans rencontrer aucune terre, les voici arrivés dans un archipel de vie et de couleurs qui allait être leur nouveau refuge.

S'approchant encore de Phoebus, la base habitée de Titan, le yacht spatial de Natacha Andrioukhine passa au milieu de débris métalliques et commença son entrée dans l'atmosphère opaque de la lune. Le long voyage du bel oiseau n'avait pas terni la blancheur de sa coque. Ses formes élancées avec des courtes ailes en forme de V inversé, sa courbure légèrement concave vers le bas en faisait le plus beau vaisseau de l'humanité encore en état de naviguer.

Natacha avait d'abord fui vers Mercure, mue par une fidélité nationale complétement obsolète. Cette escale avait été une erreur. Les Russes avaient dû déclarer allégeance à l'empire solaire, bien incapable de rentrer en guerre contre lui et ayant bien compris l'avertissement donné par la bataille de Mars. C'était de toute façon des termites qui vivaient dans des conditions impossibles. Elle avait dû de nouveau fuir, bien consciente de ce que lui réservait Siamois s'il s'emparait d'elle. Les Mercuriens avaient réapprovisionné son vaisseau, ils ne pouvaient faire plus même si leur soumission n'avait pour le moment en rien modifié ni leur organisation, ni leur rejet viscéral de cet empire auto proclamé par un cyborg à moitié fou.

Mais où fuir ? Il ne lui restait plus beaucoup de possibilités. Titan était loin, cela lui semblait le meilleur choix possible. En tout cas, pour le moment, ils n'avaient fait aucune réponse aux demandes insistantes en provenance de la Lune pour rallier le premier empire solaire. C'était sur ce seul élément qu'elle avait pris sa décision.

Le long voyage de Mercure à Titan lui avait semblé interminable. Certes, le vaisseau était doté d'un équipage nombreux. Celui-ci était constitué de dix-huit personnes, tous semblables car tous cloné à partir du même matériel génétique. Les clones n'avaient pas de nom, mais étaient numérotés de un à dix-neuf. Par superstition elle avait omis de nommer un clone Ivan13. Cependant, cette présence humaine ne comptait pas. Ils étaient pitoyables et inintéressant. Il ne pouvait servir à autre chose que faire avancer sa nef spatiale. Peut-être aurait-elle dû mettre des robots à la place des clones comme il lui avait été conseillé, mais son romantisme slave l'avait emporté sur la raison.

Au moins Ivan1, le commandant du Novodievitchi, avait pu occuper quelques-unes de ses nuits. Natacha devait reconnaitre que le pouvoir avait fortement renforcé son existence. Mais même lui ne valait pas grand-chose. Elle aurait dû se pencher sur la greffe de cerveau. Celui de Lenine était toujours disponible, cette idée l'avait fait rire. Pendant ce voyage elle s'était beaucoup ennuyé, avait beaucoup bu, trop probablement, mais à aucun moment elle avait ressenti un manque du fait de la disparition de la Terre. Personne ne lui manquait, sa famille pas plus que n'importe quel humain. Trop faible, trop prévisible, trop éphémère, trop névrosé, l'humanité « naturelle » n'était pas très belle à voir. De dedans, c'était pire encore. Habitué à ouvrir des corps, elle était désespérée par la laideur intérieure des humains. Heureusement qu'ils ne se voient pas ! Cette graisse jaunâtre un peu partout, ces viscères répugnants, ce cerveau hideux au centre de tout, qui avait pu faire des êtres aussi laids ? Un diable peut être, pas un dieu en tout cas. N'importe quelle machine avait plus de charme. Heureusement, son voyage était maintenant fini.

Xeno-mondesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant