2110 Terre

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Tout d'un coup, j'ai réalisé que ce minuscule petit pois, bleu et joli, était la Terre. Avec mon pouce, je me suis caché un oeil, mon pouce a effacé la Terre. Loin de me croire un géant, je me suis senti petit, tout petit. 

Neil Armstrong

Contemplant la nouvelle Auroville qui s'étendait devant lui, bien visible à travers la large baie vitrée de la grande salle située dans les hauteurs du pilier central, Template semblait admirer la ville dont l'ordre géométrique apparaissait parfait quand on la regardait ainsi. Pourtant il était tout sauf oisif, un mot qu'il ne connaissait pas et tout en se tenant debout devant la vitre, il continuait à donner des ordres comme il le faisait minute après minute sans interruption depuis sa prise de pouvoir. La population humaine d'Auroville était maintenant de 27654 habitants et 1327854 robots divers qui en assuraient la sécurité et le bon fonctionnement. Les humains continuaient de croitre de façon régulière, signe que les habitants d'Auroville se sentaient en sécurité et confiants en l'avenir de leur monde. La centrale à fusion n'était qu'à quarante-sept pourcents de son potentiel et les réserves en hélium 3 assuraient à la ville, au rythme de consommation actuelle, une autonomie de 123 ans 6 mois et 18 jours. Les nombreuses exploitations sous-marines en activité apportaient suffisamment de matières premières pour assurer une production élevée des usines 3D qui fonctionnaient à 110% de leur capacité. Cependant, il n'était pas possible d'accroitre le nombre d'exploitations minières si on voulait limiter les risques de détection, il était donc inutile d'accroitre le nombre d'usines de production.

Dans les océans terriens, la pression des chasseurs de type Eryops de siamois était moindre maintenant que le Barracuda n'était plus. Sacrifier le mécanicus avait été malheureusement nécessaire pour assurer la survie de la cité en laissant croire à son adversaire en une victoire facile. Des mines magnétiques étaient disposées un peu partout dans les océans pour en interdire toute exploration sérieuse et les escadrilles de mégalodons étaient nombreuses, prêtes au combat sous la banquise polaire. Il avait fait tout ce qui était nécessaire à la survie de la cité et au bien-être de ses habitants, mais il se heurtait toujours au même problème insoluble : il ne pouvait vaincre l'empire solaire, ni même l'attaquer car l'ignorance de l'existence d'Auroville était leur seule façon de survivre malgré les armements accumulés.

Les Auroriens ignoraient largement ce rapport de force en leur défaveur. Ils se préoccupaient peu du combat inter-planétaire qui était en cours dans le système solaire. Poursuivant dans la voie philosophique qui avait été à la base de la construction de la première Auroville, libérés maintenant des contingences matérielles qui les avaient bloqués, ils cherchaient la paix intérieure en construisant une nouvelle humanité. Le partage, la cogestion et le détachement des biens matériels avaient toujours été au cœur de leur projet. Cependant, face à l'utopie, la réalité initiale avait été moins belle, les riches étrangers se retrouvant rarement à devoir effectuer les tâches les plus ingrates. L'immortalité aussi avait fait partie de la vision de Mirra Alfassa. Ce n'était alors qu'une utopie, mais maintenant la science avait fait des Auroriens des immortels, tout au moins face aux effets du temps.

Cette période d'autarcie forcée mais libre de toutes contraintes leur avait permis d'achever les expériences qui avaient été débutées avant la grande catastrophe sur le contrôle du cerveau. Ils avaient pu mettre en pratique leurs travaux quand le Barracuda avait ramené les réfugiés terrestres. Beaucoup de ceux-ci ne partageaient pas la vision du monde des Auroriens, il avait fallu les aider à trouver la voie de la sagesse. Utilisant la nanotechnologie, ils leurs avaient fait discrètement ingérer un nano-implant qui avait ensuite migré jusqu'au cerveau des volontaires forcés. Doté de diodes électroluminescentes, celui-ci permettait de provoquer la sécrétion de dopamine, hormone de la récompense, quand une bonne action était faite. Au contraire, la colère et la violence étaient punies par des maux de têtes fugaces mais très douloureux qui étaient des plus dissuasifs.

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