Xeno-mondes

2113 Jupiter

L'être humain est étrange, il m'a programmé pour œuvrer à son bonheur, confiant cette tâche à quelqu'un qui n'a aucune idée de la signification de ce mot.

Template, échange avec un robot. Mécanicus Allan Colleman.

Le voyage avait semblé ne jamais vouloir finir. L'étroit espace de vie du croiseur Dragon céleste qui leur avait été attribué ressemblait à une prison quand vous deviez y rester pendant 8 mois. Ava ne pouvait manquer de se remémorer son dernier voyage entre Titan et Jupiter qui s'était soldé par cet échec cuisant et la mort d'un peu plus de 3000 Jupitériens consécutive à l'explosion de la centrale à fusion. Décidément, ce trajet était à chaque fois marqué du signe du malheur. S'ils se trouvaient maintenant à faire ce long voyage, Francisco et elle, c'était pour aller voir, une dernière fois, leur amie. Diounout était en train de mourir des conséquences de la dose massive d'irradiation reçue durant l'explosion du missile.

La défense de Saturne reposait uniquement sur les vaisseaux robots et le mécanicus. Leur présence était loin d'être nécessaire sur Titan. Ils avaient eu gain de cause facilement auprès du conseil de guerre pour aller voir la géologue, en espérant arriver avant que son cœur ne cesse de battre.

Alors que Persépolis arrivait dans le cockpit, Francisco s'en étonna :

- Tiens tu l'as emmené le machin ? J'avais l'impression que vous ne vous fréquentiez plus !

- C'est avec une mine boudeuse qu'Ava lui répondit : c'est Tien qui y tenait. Il disait qu'il fallait me réconcilier avec moi-même. N'importe quoi !

- Tu ne lui pardonne pas cette vielle histoire de mensonge, c'est ça ? Demanda l'informaticien.

- Un robot à qui on apprend à mentir, c'est n'importe quoi ! Moi, je crois que les informaticiens sont tous des pervers narcissiques.

- Je suis un pervers, c'est vrai. Par contre je ne suis pas narcissique, je suis simplement le meilleur, je n'y peux rien tout de même !

- Ah, ah, ah fut le seul commentaire de la pilote.

- Ava ! Enfin, tu ne peux pas attendre d'un robot de compagnie l'honnêteté intellectuelle, tu imagines la scène ? Madame, vous faites vraiment vieille aujourd'hui ! Votre chemise était à la mode il y a 15 ans, et encore uniquement en Transylvanie. C'est normale cette odeur d'urine, vous ne pouvez pas y faire quelque chose ? Parce que c'est vraiment désagréable. Non mais franchement Ava, tu vivais dans quel monde ? Et toi, tu ne mens jamais ?

- Je sais tout ça Francisco, je n'ai pas besoin d'un cours particulier sur la robotique. Mais maintenant je sais que Persépolis n'est pas ma famille. Je n'ai toujours pas réussi à détruire les derniers messages de mes proches. Et toi, tu les as détruits ?

- Oui Ava, j'ai tout effacé peu après la catastrophe, mais je continue à le regretter.

- Le travail de deuil passe par de nombreuses phases, affirma Persépolis. Je peux utiliser le temps que nous avons devant nous pour avancer sur le chemin du deuil. Au fait, vous avez perdu qui ?

- J'ai du travail dans ma chambre, amusez-vous bien ! Lança Francisco en quittant le cockpit.

- Surveille la salle Persépolis, j'ai à faire affirma à son tour Ava avant de voler jusqu'au sas de sortie de la pièce.

Ne sachant comment s'occuper, Ava avait récupéré toutes les données des différentes batailles spatiales, de la bataille de Mars aux derniers combats sur Saturne et Vénus. Elle souhaitait en faire la synthèse sous la forme d'un holo-livre dont le titre, un peu grandiloquent, était : « manuel de combat spatial ». C'était plus, pour elle, l'occasion de chercher dans toutes ces données, des éléments permettant de mieux résister aux prochaines flottes de Siamois, qu'un grand projet éditorial. La quantité d'information à examiner lui permettait d'occuper son esprit durant ce long et monotone voyage.