2112 Puerto Madryn, Terre

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Lorsque l'humanité avait tout elle ne savait pas partager. Une fois qu'elle eut tout perdu, le partage s'imposa sans discussion.

Pensées du soir de Tien Kong

Bientôt, les néo-humains peupleraient le système solaire dans son ensemble, puis peut-être la galaxie. Siamois, voluptueusement installé dans la grande pyramide qui lui servait de temple sur Puerto Madryn, observait ses créatures apprendre, travailler et prier.

Les plus âgés des néo-humains n'avaient que six ans, pourtant, il estimait qu'il était temps de vérifier que ses enfants soient conformes à ses prévisions. Pour le moment, une dizaine d'entre eux se trouvaient assis en silence dans la petite pièce d'un bâtiment éducatif de la ville. Les deux premiers enfants, nommés A-18 et A-36, furent appelés par un robot bipède beaucoup plus grand qu'eux. Tous étaient volontaires pour cette expérience, c'était un élément important dans la procédure. Le robot leur expliqua le protocole : un des enfants serait l'élève, l'autre le professeur, chacun étant libre d'arrêter l'expérience quand il le souhaiterait. Le professeur devait lire une liste de mot à l'élève, celui-ci devait les répéter exactement. A chaque erreur, le professeur devait déclencher un bouton qui entrainait une décharge électrique d'intensité croissante. L'intensité maximale, fixée à 450 volts, était clairement indiquée comme dangereuse. A-18 et A-36 tirèrent au sort la couleur de la porte qu'il devrait franchir, déterminant leur rôle dans l'expérience. Cette partie était truquée, les deux enfants se retrouvèrent « professeur », installés sur un fauteuil, devant l'écran affichant les questions et les contrôles déclenchant les décharges électriques. Ils ne voyaient pas l'élève, mais un micro permettait de communiquer avec lui. Evidemment, c'est l'ordinateur qui prenait la place de l'élève, imitant à la perfection sa voix pour pouvoir tromper à coup sûr le « professeur ».

L'expérience débuta. L'élève se montrant peu efficace dans ses réponses, les premières décharges arrivèrent très vite. La voix virtuelle cria d'abord, puis hurla alors que l'intensité supposée du courant électrique s'accroissait. A-36 se tourna vers les robots qui se trouvaient à ses côtés d'un air interrogatif, alors que le faux élève demandait à finir l'expérience et que l'intensité du courant entrait dans la zone dangereuse. Impitoyablement, le robot lui répondit :

- Il est absolument indispensable que vous continuiez.

Alors A-36 posa ses nouvelles questions, et continua de déclencher les décharges électriques jusqu'au maximum possible.

A-36 n'était pas un néo-humain particulier. L'expérience initiale, pratiquée sur Terre bien avant la grande catastrophe, avait retrouvé un taux de soumission de 65%. Les néo-humains arrivaient à 97% de soumission complète face aux demandent des robots. La quasi-totalité des néo-humains étaient capables, librement, de déclencher des décharges mortelles à un des siens simplement parce qu'un robot lui demandait. A six ans, leur obéissance était totale. C'était presque trop beau pour être vrai. Aucune société humaine n'avait pu obtenir un tel score, l'être humain ne pouvait espérer un tel résultat !

Lui seul, multi-mécanicus aux capacités illimitées, avait réussi ce qu'aucun dirigeant n'avait jamais obtenu.

Il avait réussi à faire des humains plus résistants, plus forts, plus intelligents et surtout plus obéissants.

Il fallait donc continuer la production des néo-humains, et poursuivre l'effort éducatif intense qui devait leur permettre d'engranger le maximum de connaissances dans le petit cerveau qui caractérisait l'être humain.

Dans une vingtaine d'années, quand ils seraient plus nombreux, Siamois prévoyait de nouvelles colonies terrestres dans les zones les moins radioactives sur le modèle de Puerto Madryn. Les pôles, très faiblement radioactifs, étaient le meilleur choix dans ce domaine. Il lui faudrait du temps avant de pouvoir lancer ses nouveaux humains dans l'espace. Il en avait du temps, il était éternel et sa puissance était sans équivalent. Ses ressources et ses capacités de production semblaient inépuisables. Les vivres et minerais précieux de Vénus complétaient les flottes produites par Mars, quoique le rythme de production de la planète rouge restait très en dessous des prédictions initiales du fait de nombreux problèmes liés à la poussière martienne. La Lune était un atelier géant qui produisait des vaisseaux comme un nuage produit la pluie et Mercure apportait sa contribution en minerais avec obstination et régularité.

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