Xeno-mondes

2112 Callisto, satellite de Jupiter

Darwin l'avait déjà prouvé : quand les humains formaient une seule communauté, tous utilisaient les mêmes schémas de représentation du monde. Après la grande catastrophe, chaque planète devint comme une île et chaque communauté, privé d'échanges, créa sa propre interprétation du monde.

Précis d'histoire de l'ère post terrienne par le professeur Rasolomano

0101010101010010101. Le Dreadnought qui orbitait autour de Callisto, l'une des grandes lunes de Jupiter, recevait les consignes de Siamois qu'il appliquait immédiatement aux unités sous son contrôle. Des chasseurs spectres aux nombreux robots qui exploitaient les ressources de la lune ou les utilisaient pour construire de nouvelles armes de guerre, toutes les machines travaillaient fébrilement. 101010101, c'était un ballet incessant mais parfaitement synchronisé, tous savaient ce qu'ils devaient faire et réalisaient leurs tâches dans le temps imparti à la seconde près. Le temps était compté maintenant, 10101, il restait seulement 173 heures et 27 minutes avant que la flotte ennemie n'arrive sur eux.

11101111011. Selon les derniers ordres reçus, il fallait finir au plus vite les dernières unités spatiales, quitte à négliger les finitions. Le combat approchait et le maximum de défenseurs devaient pouvoir être alignés quand les plans de batailles seraient envoyés. Pour toutes les machines, la défense de Jupiter contre les envahisseurs vénusiens était la priorité de niveau un depuis que la flotte ennemie avait été repérée. Accroissant la production au-delà de toutes les prévisions, chaque unité de construction avait pu bâtir une flotte entière qui, le moment venu, viendrait grossir l'armada qui surveillait Jupiter depuis sa soumission à l'empire solaire. 010101, ces flottes étaient maintenant en orbite autour des lunes qui les avaient construites, attendant l'arrivée des dernières unités avant d'aller prendre leur position de combat.

101, 101, 101. 010. Soudain, à 173 heures et 26 minutes, le flux de communication laser en provenance de la Lune cessa brutalement, au milieu d'un message. Suivant la procédure prévue, le Dreadnought testa ses systèmes de réceptions : tous étaient opérationnels. 0101, si le problème de venait pas de la réception, c'est qu'il venait de l'émission disait l'algorithme. L'arbre décisionnel préconisait dans ce cas d'attendre que l'émetteur règle son problème. 0110111001, poursuivant son action en utilisant les dernières consignes reçues, le Dreadnought continua de chercher à maximiser la production des derniers vaisseaux de guerre jupitériens, tout en contrôlant régulièrement le chronomètre qui s'écoulait inexorablement.

01101011, interrogeant minute après minute ses systèmes de communication sophistiqués, il se heurtait toujours à l'absence complète de réception, pas le plus petit code à digérer.

110111101111111001111011, plus que trois heures avant que les vaisseaux ennemis n'arrivent jusqu'à Callisto. 010101, toujours aucune communication, pas de nouveaux ordres en provenance de Siamois. 1101, il était temps de préparer la bataille. L'intelligence artificielle n'était pas démunie, 11011, son logiciel de combat spatial était tout à fait performant. L'ensemble des vaisseaux de la flotte de Callisto se regroupèrent enfin, chacun recevant des ordres précis. 1111010101111. Les Dreadnoughts restèrent en arrière, entourés des multiples chasseurs siamois qui avaient initié leurs déplacements latéraux d'esquive. Des lignes de tirs étaient aménagées au milieu de l'amas des chasseurs pour pouvoir laisser les immenses croiseurs de l'empire solaire utiliser leur puissance de feu dévastatrice. Déjà Io, autre lune de Jupiter, était tombée. Il fallait résister jusqu'au dernier boulon. 110101101. Les choses se présentaient mal. L'adversaire était supérieur en nombre et utilisait son avantage numérique pour attaquer leur flotte par trois côtés. 111, l'énorme puissance de feu de l'adversaire saturait la sphère de la bataille, c'était une toile d'araignée de projectiles mortels dont il était impossible de s'échapper. Partout, des explosions venait faire taire peu à peu leur capacité de défense. L'adversaire, lui, continuait à inonder leur flotte de tirs destructeurs. 111101000100000. Le vaisseau ennemi de type Cronos lancé à pleine vitesse n'avait pu être stoppé par les tourelles lasers, il frappa l'arrière du Dreadnought, s'enfonçant profondément dans sa structure grâce à sa pointe en tungstène. Le chasseur ennemi avait totalement disparu à l'intérieur du croiseur quand il explosa, détruisant la moitié du pont arrière et provoquant l'arrêt des réacteurs. 01101010001, déséquilibré par la terrible explosion, le croiseur dévia sur le côté, offrant son flanc aux tirs ennemis les plus puissants. 101000000, c'était fini, l'ordinateur central s'était définitivement tu et plus rien ne venait animer l'épave éventrée.