2118 Xi'an, Vénus

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Dans cette guerre, je fus le méchant, tant il est vrai que les vainqueurs écrivent l'histoire. Pourtant n'ai-je pas sauvé plus d'humain que n'importe qui d'autre?

Siamois, retranscription des dernières communications du mécanicus avant son extinction

Orion était assis dans la pièce du concile, autour de la grande table circulaire et de sa projection holographique. Les douze gravitic-sièges étaient tous occupés. Un silence pesant régnait dans la salle alors que tous les regards étaient braqués sur lui. Le panache de fumée s'élevait droit et haut, masquant l'endroit où la météorite avait fini son existence millénaire. Pourtant, aucun doute n'était permis. La base scientifique qui abritait Mei et les Vénusiens l'accompagnant se trouvait là, juste au niveau du point d'impact. Une sueur froide faisait frissonner Orion qui, les poings serrés à s'en faire blanchir les jointures, gardait le regard fixé sur le pilier gris dressé sur la surface de la Lune. De cette façon, il pouvait éviter de croiser le regard des autres représentants. Il ne voulait ni compassion, ni pitié, ni rien d'ailleurs. Sentant l'amertume et la colère l'envahir, il laissa longuement ses sentiments croître en lui jusqu'à imprégner tout son être. Enfin, il fut capable de lentement affronter le regard de tous, les fixant un par un et obligeant la plupart à baisser les yeux devant son âme embrasée qui apparaissait nue dans ses yeux. D'une pensée, il mit fin à l'image et débuta la réunion d'urgence qu'ils avaient organisée au moment où la bataille de la Lune débutait.

La colère occupait tellement d'espace en lui qu'il n'y avait nulle place pour le deuil. C'est bien sa fureur qui fut à l'origine de toutes les décisions prises au moment de ce premier concile de la nouvelle ère s'ouvrant maintenant que le premier empire solaire était vaincu.

- Plus jamais nous ne serons à la merci de quiconque, plus jamais d'autres décideront pour nous, plus jamais on nous imposera des décisions qui ne seront pas les nôtres.

Personne ne pouvait aller contre ce discours et le concile ne dura que quelques heures. Ils décidèrent de lancer immédiatement le programme d'armement si soigneusement planifié par Mei Pong. Cessant d'être cachée, l'exploitation des ressources minières de Vénus fut fortement augmentée, permettant de lancer la construction de plusieurs usines spatiales placées en orbite autour de la planète bleue pour que celle-ci dispose au plus vite d'une véritable flotte de guerre.

Sortant de la grande pièce, Orion hésita un moment. Il aurait dû rentrer directement chez lui et s'occuper de ses enfants qui venaient de perdre leur mère. Pourtant, il obliqua vers le bureau mis à sa disposition, proche de la salle du concile. Depuis le départ de Mei, il confiait la plupart du temps la garde de leurs enfants au robot de compagnie qui lui avait été fourni. Celui-ci, d'une patience infinie, était toujours d'humeur égale, prêt à répondre à toutes les sollicitations des petits humains, sans jamais perdre patience ni élever la voix. Les enfants s'étaient remarquablement bien habitués à sa présence. Ils retrouvaient leur père avec plaisir chaque soir, ne semblant pas souffrir de ses horaires de plus en plus tardifs. Ne souhaitant pas partager avec eux la mort de leur mère d'adoption, il prolongea sa présence dans la petite pièce. Il resta assis devant son bureau holographique où se trouvait l'ensemble de ses fichiers disposés dans cet environnement tri-dimensionnel. Utilisant son assistant numérique, il tria les multiples messages reçus le temps de la réunion, avant de prendre le long corridor longeant les serres et qui menait à son logement. Le soleil rasant passait largement par les larges baies extérieures, traversant le jardin en éclairant les différentes plantations d'une lumière dorée avant de venir jusqu'à la cloison vitrée délimitant le couloir où il se trouvait. La Terre lui manquait, il ne put s'empêcher de commander l'ouverture d'une large porte pour aller marcher dans la grande serre, seul à cette heure tardive. Il se baissa pour attraper une poignée de terre en partie vénusienne, en partie terrienne, la respira longuement avant de la laisser s'effriter entre ses doigts. Il était maintenant prêt à rentrer chez lui et à annoncer à ses enfants que leur mère ne reviendrait pas. Il espéra que le robot de compagnie disposait d'un module deuil et saurait comment s'y prendre, car quel humain sait dire à un enfant qu'il devra continuer sa route sans sa maman ? 

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