2106 Base minière de Tros, Ganymède

1 0 0
                                    


Mes algorithmes m'imposent de servir au mieux les humains. Pour les servir au mieux, je dois les tromper. Où est la vérité? 

Template, extrait du document "échanges avec un robot" du mécanicus Allan Colleman


L'atmosphère étaitétouffante dans la salle centrale de la base minière de Tros. Cette structureancienne était construite au fond d'un des nombreux cratères qui se trouvaientsur la partie sombre du satellite. Elle était constituée de plusieurs dômesreliés par de fins corridors, à la manière des bases extraterrestre de cetteépoque. La faible atmosphère permettait, à partir de Tros, de surveiller letrajet des vaisseaux de forage qui allaient chercher les minerais sur lesautres satellites de Jupiter. D'ici, les mineurs pouvaient organiser et dirigerl'ensemble des exploitations automatisés qui peuplaient l'orbite de Jupiter. L'activitéspatiale était maintenant réduite car plus personne ne réclamait les précieuxchargements qui s'amassaient dans les zones de stockage. Des blocs de glace venaient adoucir le paysage du cratère,formé principalement de blocs de pierre. Au fond, où se trouvait l'entrée de labase, le visiteur avait droit à un paysage beaucoup plus aride que sur Titan.Les couleurs étaient pauvres et l'absence presque complète d'atmosphère enfaisait un astre mort aux yeux des premiers explorateurs. L'immense lune de Jupiter était peu peupléemalgré sa proximité avec la Terre car les problèmes de radiation n'avaientjamais pu être totalement contrôlés. Les colons étaient tous répartis entre labase principale de Tros et autres trois avant-postes qui avaient été construitsdu temps de l'expansion spatiale. La température parfaitement régulée parl'intelligence artificielle qui contrôlait la station de Tros ne pouvaitexpliquer la chaleur qui venait colorer les visages des participants à cetteréunion. La présence invisible de Siamois était la cause de cette soudainetension. Le message en provenance de la lune que les administrateurs deGanymède venait de recevoir et qu'ils avaient consulté en présence desémissaires de Saturne faisait maintenant place à un silence tendu entre eux. Ava Kayani et Francisco Gomez avaitprofité de la proximité actuelle entre Saturne et Jupiter pour prendre la têted'une mission diplomatique et avaient proposés à Yannis Agön, l'administrateuren chef de Jupiter, une alliance contre le premier empire. Evidemment, Siamoisavait fait de même et une flotte de guerre se rapprochait maintenant de Jupiterqu'elle devrait rejoindre dans 3 mois. Cela laissait théoriquement le temps àJupiter d'organiser sa défense, mais pas à Saturne d'envoyer des renforts.

Cependant le message lunaire était limpide : Jupiter devait soit se rendre, soit subir mort et destruction. Le voyage interplanétaire des émissaires saturniens n'avait pas échappé à Siamois, et il était expressément demandé aux administrateurs d'enfermer tout représentant en provenance de Saturne pour qu'ils puissent être rapatriés sur la Lune et jugés. Dans le cas contraire, une visite de Jupiter pour les administrateurs de Ganymède serait organisée. Evidemment, il n'était pas nécessaire de se préoccuper du trajet retour de ce voyage au centre d'un monde de gaz brûlant aussi beau qu'invivable.

L'enfoiré, croyais penser tout bas Gomez, je me suis emmerdé comme un astéroïde dans ce rafiot pendant des mois pour rien ! Et merde !

Au moins, le voyage aura été sympa, mais je crois que ma carrière de diplomate s'arrête là, c'est un boulot de naze se disait Kayani.

C'est con, pensait Agön, elle est drôlement belle. Je préférerais la mettre dans mon lit que dans une prison.

- Quel clown ! s'exclama Gomez.

- Nous sommes arrivés sans armes, à deux, comme émissaires et protégés par ce statut. Je comprends à vos visages que nous ne sommes plus les bienvenus ici. Laissez-nous rentrer sur Saturne, nous continuerons la lutte seuls s'il le faut, négocia la commandante Ava Kayani.

- Je suis désolé, soupira Agön en relevant son regard jusqu'au visage de la pilote, je n'ai pas le choix. Siamois m'as promis qu'il ne vous ferait aucun mal, il vous gardera sur la Lune dans l'attente de la reddition de Saturne. De toute façon, nous ne sommes plus assez nombreux pour se faire la guerre et Jupiter n'est qu'une base minière avancée. Nous n'avons aucune chance contre la flotte de Siamois, souvenez-vous de la bataille de Mars !

- Vous n'allez tout de même pas sérieusement nous remettre à cette boite de conserve 2.0 ! explosa Gomez, mais déjà deux gardes armées pour l'occasion de bâtons de soumission entraient dans la pièce pour se placer derrière eux.

Fouillés sommairement, ils furent emmenés vers une chambre prison. Ava gardait un silence hostile alors que Gomez insultait les gardes, sans aucun effet, il faut bien le dire.

La pièce dans laquelle ils furent enfermés n'était pas prévue pour cette fonction. Il s'agissait d'une chambre double désaffectée. La seule entrée était la porte derrière laquelle stationnait un des gardes, assis sur un siège et très concentré sur un jeu 3d d'après les bruitages perceptibles à travers la porte.

Francisco était furieux. Il ne parvenait pas à se calmer. Il parcourait la chambre de part et d'autre sans but, continuant à râler comme si Agön se trouvait encore devant lui.

Ava, assise sur son lit le fit taire :

- Cette pièce est certainement sur écoute, attention à ce que tu dis !

S'arrêtant brutalement de parler, Gomez se tourna vers la métisse, puis alla s'assoir sur le lit en face.

- Tu as raison Ava, nous ferions mieux de nous préparer à toute éventualité. Mais si Ganymède est détruite, ces pleutres ne pourront s'en prendre qu'à eux-mêmes. Il y a des moments où le choix qui semble le plus facile n'est pas le bon. Malheureusement, une fois que vous avez pris la bifurcation, votre décision vous enchaine à votre destin comme un mécanicus est enchainé à sa structure. Par la suite, vous ne pouvez plus changer de route. Chaque décision nous emmène irrémédiablement dans un autre univers parallèle et ferme les possibles qui ont été laissés de côté.

Après sa tirade, Francisco Gomez essaya d'accéder à l'ordinateur central par la console murale qui se trouvait dans leur chambre. Le job avait été bien fait, il était incapable de forcer le chiffrage. Il chercha des armes, mais ne trouva qu'une bouteille en verre et la chaise qui était placée devant un petit bureau, lui-même fixé au mur. C'était peu, mais il garda les deux objets à sa portée alors qu'Ava Kayani restait allongée sur son lit, les yeux grands ouverts fixant le plafond, patientant comme seuls les chats perses savent le faire.

Elle avait proposé elle-même ce voyage, trop heureuse de quitter Titan pour ce vol spatial vers Ganymède qu'elle ne connaissait pas. Elle avait été trop naïve sur la possibilité de succès d'une telle mission. Elle avait raisonné sans prendre en compte les actions possibles de l'adversaire et avait perdu. Pourtant, cela risquait de ne pas être elle qui allait payer le prix de cet échec.

Dans le monde d'avant, elle avait toujours obtenu les meilleures notes à ces examens. Dans les différents tests en simulateurs, elle était la meilleure, gérant les pannes virtuelles avec brio, suscitant l'admiration de ses professeurs. Dans son travail, son parcours professionnel avait été exemplaire. Seule sa vie sentimentale n'avait pas été à la hauteur. Elle s'ennuyait rapidement avec les compagnons qu'elle avait conquis. Tout ça, c'était dans le monde d'avant. Les règles du jeu avaient maintenant changé, et elle n'avait pas les compétences pour faire son job correctement. Bien sûr, elle pouvait donner cette illusion, paraître sûr d'elle-même, son opinion était prise en compte comme s'il avait une vraie valeur. Tout ça n'était qu'un écran de fumée. Elle ne pouvait se mentir à elle-même et cela la mettait en colère.

Allan Colleman semblait plus réaliste, il avait anticipé les faibles chances de succès de sa mission. Elle détestait devoir l'avouer mais le mécanicus semblait toujours avoir beaucoup d'avance sur leur compréhension de l'âme humaine. Maintenant, il leur fallait s'en remettre au plan qu'il avait préparé secrètement.

Xeno-mondesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant