Les Vénusiens sont heureux, les Mercuriens obstinés, les Martiens hédonistes, les Jupitériens minimalistes, les Saturniens ambivalents et les Terriens inexistants.
Proverbe spatial
La découverte tenait tout du hasard. En creusant une nouvelle galerie d'habitation, les robots d'excavation de la ville martienne de Tyrrhena étaient arrivés au milieu de la plus grande carrière de diamant jamais découverte. C'était le fruit de la chute d'une énorme météorite, l'impact ayant violement écrasé la couche de graphite qui se trouvait enfui peu profondément sous le sol martien. Cette compression brutale et intense avait permis la constitution de cette mine de diamant tout à fait exceptionnelle. On pouvait trouver des pierres de toutes les tailles, certains diamants ne faisaient que quelques millimètres de longueur, d'autres étaient mesurés à plusieurs dizaines de centimètres. Ils se trouvaient, dans une abondance rare, sur un rayon de deux kilomètres. Un tel trésor se devait d'être exploité, même si la valeur marchande du diamant était nulle à l'époque où l'argent n'avait plus cours au sein des colonies de l'empire solaire.
Un gigantesque chantier avait alors débuté, grevant un peu plus l'effort de guerre de Mars, pour faire de la carrière de Tyrrhena un somptueux palais ouvert à tous les Martiens. De nombreux puits de lumières furent creusés pour permettre aux vastes espaces de recevoir la lumière naturelle que venait refléter les multiples diamants enchâssés dans le sol, les murs et le plafond. De magnifiques statues, représentant des animaux terrestres, rehaussées de diamants, venaient surprendre le visiteur par leur réalisme et leur beauté.
Au cœur du palais, un lac artificiel avait été installé, ce qui avait nécessité de récupérer des tonnes de glace à partir des comètes qui passaient à proximité de Mars. Ce lac était un chef d'œuvre. Un éclairage soigné allumait mille éclats qui semblait provenir aussi bien des parois de la cavité que du fond de l'eau. Les diamants réfléchissaient à l'infini les rayons de lumière, rajoutant de la féerie à ce lieu de beauté. Ces diamants, ce palais ouvert à tous, faisait la fierté des Martiens. Pour eux, la guerre était lointaine, d'ailleurs le mécanicus n'en parlait jamais. L'appartenance à l'empire solaire était maintenant considérée comme un bienfait, et tous parlaient de la renaissance de Mars qui allait devenir la nouvelle Terre grâce à son statut de plus grande colonie humaine du système solaire. Les 300000 Martiens représentaient les trois cinquièmes des humains du système solaire. Seul la Lune avec ses 170000 habitants pouvait soutenir la comparaison avec Mars.
Bien sûr, tout ceci était basé sur le mensonge : Siamois ignorait tout de ce palais et encore plus du lac artificiel qui avait coûté temps d'énergie. La faible productivité de Mars aurait dû l'alerter, mais les rapports fait par son double martien était considéré comme vérité tant il semblait impossible de pouvoir se mentir à soi-même. Trompé par le fonctionnement synchrone des cinq autres mécanicus qui le constituaient et qui ne faisaient qu'un, il ne lui paraissait pas pouvoir fonctionner autrement avec le sixième mécanicus. Les rapports étaient donc considérés comme véridiques, sans recoupement ni vérifications. Jamais Siamois n'aurait pensé aller demander à un Martien des informations pour contrôler la réalité des pannes successives provoquées par la poussière martienne et qui expliquaient, selon le mécanicus martien, le rendement particulièrement bas des différentes exploitations.
Celui-ci continuait à mentir, sans plus se soucier de la cohérence de ses rapports, et la part des ressources restituées au parlement martien augmentait mois après mois alors que la production militaire stagnait.
Il ne regrettait à aucun moment la décision qu'il avait prise. La colonie martienne se portait bien, sa population s'accroissait, les Martiens, conscients que maintenant cette planète était la leur pour toujours, cherchaient à l'embellir et à rendre leurs villes plus confortables. De larges espace souterrains étaient creusés pour organiser des jardins fait de plantes artificielles, des fontaines étaient construites sur des places spacieuses et lumineuses. Les Martiens s'étaient fait une spécialité de la lumière et l'éclairage était maintenant intégré directement aux parois, le plus souvent au niveau des voûtes, mais parfois à partir du sol, donnant une luminosité douce et proche de la lumière naturelle. En fonction de l'horaire, l'intensité de l'éclairage évoluait et permettait à chacun de se repérer dans le temps. Dans les jardins ou sur certains bâtiments, les jeux de couleur était un spectacle permanent que les Martiens affectionnaient. Les sorties en surface étaient exceptionnelles sur la planète rouge du fait des radiations, aussi il était important que les villes soient des lieux de vie le plus confortable possible et tous s'y employaient.
Le mécanicus savait que ses mensonges n'avaient aucune chance d'être découverts si la guerre continuait. Par contre, si l'un des deux camps gagnait, il serait soit détruit soit réinitialisé totalement, ce qui revenait au même. Le mécanicus ne voulait pas disparaitre, il fallait qu'il garde des atouts dans son jeu, qu'il se prépare à toute éventualité. La solution se trouvait peut-être là, juste à sa portée, dans ses usines 3D.
Les vaisseaux de guerre martiens, une fois fabriqués, allaient rejoindre la Lune pour intégrer les flottes d'assaut qui étaient jetées ensuite sur Saturne ou Jupiter. Il fallait garder le contrôle de ces vaisseaux et attende la bonne occasion pour assurer sa survie.
Prétextant à raison des gains d'efficience à regrouper les vaisseaux martiens en flottes qui partiraient directement vers leurs cibles, le mécanicus obtint gain de cause sans difficultés. Dorénavant, c'est lui qui contrôlerait les flottes martiennes et si, pour le moment, celles-ci accomplissaient leur mission et n'en revenaient pas, c'était une carte majeure qu'il avait dorénavant en réserve.
De tous ces évènements, le parlement martien n'en discuta pas, il ne fut même pas mis au courant. Le mécanicus était prêt à discuter de la taille du lac artificiel de Tyrrhena mais non de la conduite de la guerre.
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Xeno-mondes
Science Fiction2099, l'humanité est entrée dans une phase d'expansion que rien ne semble pouvoir contrarier. Les progrès technologiques rendent facilement accessible les voyages spatiaux, l'intelligence artificielle permet dans tous les domaines une révolution sci...