Le fabuleux destin d'Anna

Chapitre 42 : Le bal de Noël

Paulette et Amandine présentèrent leur carton d'invitation et gravirent les marches de l'hôtel Joyau. À l'intérieur, elles découvrirent une grande salle de bal et une vaste pièce de réception aménagée avec goût pour célébrer les fêtes de fin d'année. Une multitude de coupes d'alcool et de victuailles étaient alignées sur de belles tables soigneusement dressées.

Les mains derrière le dos pour se retenir de tout attraper, mais le cou penché vers les assiettes, Anna longeait le banquet et souriait comme la fille la plus heureuse du monde.

- Je savais qu'elle allait venir si je lui parlais du délicieux buffet, s'amusa Paulette. Elle a le visage tellement enjoué qu'on dirait une petite pomme de terre, non ?

- Elle est vraiment mignonne, dit Amandine en souriant. Il n'y a que des gens de bonne famille qui sont invités. C'est la première fois qu'elle participe à un bal privé et qu'elle met les pieds dans un endroit aussi éloigné de sa classe sociale, j'espère qu'elle ne se sentira pas mal à l'aise.

- De qui parles-tu ? Vraiment ? L'as-tu bien regardée ? Elle va côtoyer les coupelles de fruits et les petits fours toute la soirée, est ce que tu penses qu'elle aura l'impression d'être en mauvaises compagnies ? Aucun homme n'arrivera à la décaler du buffet ! Je ne parie pas un centime qu'elle danse ce soir ! C'est plutôt toi qui es mal à l'aise.

Amandine enleva ses longs gants et soupira.

- Je t'avoue que si madame de Monseuil ne nous offrait pas une place, je ne viendrais pas.

- Pourquoi ?

- Parce que c'est angoissant pour moi de bien paraitre alors que je ne suis qu'une domestique de grande famille. Oh ! Regarde discrètement par là bas, c'est Adrien Duchemin. Ma mère l'a déjà rencontré, son père est un chirurgien et son frère est professeur en faculté de médecine. J'espère qu'il ne me verra pas.

- Ne t'en fais pas Amandine, personne ne sait que l'on existe !

Paulette passa sous les luminaires scintillants suspendus au très haut plafond et poussa un petit cri d'admiration. Ils éclairaient le moindre espace d'une couleur jaune doré et chauffaient l'atmosphère.

- Je n'ai pas pu venir l'année dernière, mais c'est encore plus beau que dans mes souvenirs !

Anna se retourna et écarta ses bras pour embrasser ses amis, très heureuse de les retrouver.

- Je vous attendais pour commencer à manger ! Regarde celui-là, dit elle à Paulette en pointant du doigt une pâte feuilletée en forme de timbale, ça s'appelle une bouchée ! Elle est garnie de crème de champignons et je crois que si on regarde bien... oui je crois qu'il y a aussi des petits champignons vivants dedans.

Paulette éclata de rire.

- Oh non, ne me parle pas de cuisine ! Je ne suis pas venue pour manger et apprendre des recettes. Et puis je ne suis pas toute mince comme toi, j'ai plutôt du poids à perdre ! Nous sommes venues danser. Le bal est avant tout un lieu de rencontre ! Passer toutes ses journées à la grande Demeure ne nous permet pas de voir du monde.

Anna haussa les épaules.

- Qui se soucie de ça ? demanda-t-elle.

Elle chercha le soutien d'Amandine, mais celle-ci fuya immédiatement la confrontation et jeta des coups d'œil à droite et à gauche en tortillant ses gants entre ses doigts.

Paulette soupira et posa une main réconfortante sur celle d'Anna.

- Je ne veux pas te faire la moindre peine, je sais que tu n'as pas eu la chance de grandir avec tes parents et que tu ignores beaucoup de choses, mais normalement nous sommes dans des âges où les familles se préoccupent de nous trouver un mari. Il nous reste encore du temps, nous ne sommes pas les dernières, mais nous pouvons plus jouer les innocentes.