Chapitre 3 : Le pacte

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Le visage d'Anna se transformait de minute en minute. Ses joues prenaient une teinte rouge foncée, sa lèvre gonflait encore de plus belle avec une légère fente sanglante et un bleu apparaissait près de la tempe.

Plus Madame Carousselle la dévisageait plus elle était proche de tomber en syncope. Qu'était-il arrivé à son visage ? Comment pouvait-elle présenter Anna dans cet état ?

- Anna, dit elle en prenant une profonde inspiration pour faire rentrer le calme dans son intérieur, voici madame Clara Pichon. Elle est venue pour t'examiner un peu de plus près, car elle a une requête particulière.

Sophie empoigna le bras d'Anna et la taquina sans gène :

- Anna, Madame Pichon va t'adopter ? Tu n'es pas un peu trop vieille ?

Elles échangèrent un rire ensemble sans se rendre compte que Clara tortillait ses doigts en étant mal à l'aise. En effet, elle ne se sentait pas à sa place avec ces deux filles mal éduquées. Elle s'attendait à découvrir une orpheline timide, racornie comme un vieux livre oublié dans un coin de l'étagère, mais pas à une jeune femme pleine de vie, sans discipline et avec un visage si.. amoché ? Est-ce qu'elle se battait ? Elle chassa très vite cette supposition.

- Je vais m'expliquer si vous voulez bien m'accorder un peu de temps. Ce que j'ai à vous dire ne vient pas de ma demande personnelle. Je viens de la part d'une grande Dame. Je suis venue vous faire une offre et.. j'aimerais que nous soyons que toutes les trois, dit elle en s'adressant à Sophie dans un regard qui l'incitait à prendre la porte.

- Sophie est mon amie ! protesta Anna. Je n'ai pas de secrets moi. Si votre Grande Dame aime faire des cachoteries, c'est son problème pas le mien !

- Anna ! coupa net Madame Carousselle.

Clara se tenait droite comme un i. Sa carrure austère, ses vêtements sobres, repassés avec soin montraient un tempérament discret, solennel et rigoureux. Aucune émotion ne se lisait sur son visage. Pour Anna, ce genre de contrôle de soi décrivait une personnalité triste et sans rêve.

- Je viens de la part de Madame de Monseuil. Je vous pris donc de vous montrer respectueuse, dit Clara avec les lèvres pincées. Cela fait quinze ans que je suis une des gouvernantes de la grande demeure.

- La famille de Monseuil ? s'exclama Sophie.

Elle n'en revenait pas. Son regard passa de Clara, la gouvernante étriquée dans sa robe parfaite à Anna, au visage esquinté dans sa tenue lâche et salie. Il y avait un monde entre les deux femmes.

- Avant que je vous dise de quoi il s'agit, j'aimerais vous avertir que si cette nouvelle sort de cette pièce et s'ébruite, vous vous mettez en péril. Autrement dit vous risquez de votre vie, car la réputation de la famille de Monseuil est plus grande que tout votre orphelinat et l'importance accordée à vos vies, réunis.

Anna s'apprêta tout de suite à rétorquer quand Madame Carousselle prit une règle et fit mine de l'abattre sur sa tête. Sophie pouffa de rire. Les deux ne prenaient pas au sérieux la situation ce qui agita légèrement les nerfs de Clara, mais elle se contrôla et demeura le visage impassible.

Elle prit une grande inspiration.

- Madame de Monseuil ne peut pas avoir d'enfants avec son mari. Cependant, les années passent et il n'est plus possible pour elle d'ignorer les critiques et le mauvais regard que le beau Monde lui renvoie, car elle n'a pas mis au monde d'héritier. Elle cherche donc une femme qui puisse porter sa descendance.

Anna fronça les sourcils.

- Quoi ? Pourquoi moi ?

- Je vous explique sans détour le fond de l'histoire. Madame de Monseuil a les cheveux roux comme les vôtres. L'enfant que vous allez porter ne sera jamais le vôtre, mais le sien. Pendant les mois où vous serez enceinte, nous vous cacherons dans une maison de campagne et Madame veillera à ce que vous soyez dans une situation confortable afin que rien ne puisse gêner votre grossesse. De son côté, elle a prévu de partir en voyage en Angleterre pour justifier une absence loin des regards. Ensuite une fois qu'il sera né, Madame de Monseuil prendra son enfant et vous serez obligée de partir et de garder le silence. Tout comme ces deux femmes présentes dans cette pièce, finit-elle par dire en guise de rappel.

Le fabuleux destin d'AnnaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant