Chapitre 3

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Le reste de la semaine se passa sans que Sacha ne recroise son voisin. Il avait bien continué son vacarme, à toute heure de la journée comme de la nuit, mais elle avait bien compris que quoi qu'elle dise, il n'y changerait rien. Et elle ne se sentait pas à l'aise d'appeler la police pour si peu... Elle avait donc investi dans un pack de boules quies, à contrecœur, qui atténuaient légèrement ses problèmes de sommeil.

C'était samedi, et elle voulait profiter de son weekend pour passer un peu de temps avec sa meilleure amie, qu'elle avait invitée chez elle. Elle sirotait un thé tranquillement, se racontant leur semaine, lorsque le téléphone de Sacha vibra. Elle y jeta un œil curieux, avant de râler :

— C'est pas vrai !

— Bastien ? devina Laetitia.

— Il n'arrête pas depuis une semaine. J'ai beau lui dire de me laisser, que c'est fini, il insiste. Je l'ai bloqué de la plupart de mes réseaux mais il trouve toujours un moyen de me retrouver ! C'est mon mail aujourd'hui.

— Il t'a envoyé un mail ? pouffa-t-elle.

Sacha fit la moue.

— Ne répond pas.

— L'ignorer ne marche pas.

— Que veux-tu, tu es si géniale qu'il n'arrive pas à se détacher !

Cela eut au moins le mérite de faire sourire Sacha.

Bucky s'ennuyait comme un rat mort. Sur son canapé, le dos sur l'assise et les jambes contre le dossier, il jouait avec une balle de tennis qu'il envoyait au-dessus de lui pour la rattraper et la relancer. Il entendait toute la conversation particulièrement inintéressante de sa voisine et de son amie, qui commençaient à pester contre les hommes.

Une sonnerie de téléphone retentit. Il regarda dans la direction du bruit, devina qu'il s'agissait du sien, et l'ignora.

— C'est le tien ? entendit-il de l'autre côté du mur.

— Non, ça doit être celui de mon voisin.

— Il n'est pas là ?

— Aucune idée. Ça fait plusieurs fois qu'il le laisse sonner cette semaine.

— Peut-être que lui aussi évite son ex, ricana la jeune femme.

Il leva les yeux au ciel. Sa dernière petite amie datait du siècle dernier. Sous les conseils de sa psychologue, il avait bien essayé de rencontrer du monde, et notamment des filles, mais... il ne connaissait rien du monde actuel. Si ce n'est tout ce qui touchait à la guerre et à l'assassinat. Pas vraiment un sujet de conversation qui déchainait les passions chez des partenaires potentielles. Et de toute façon, qui pourrait bien vouloir de lui aujourd'hui, avec ses cauchemars toutes les nuits, son bras de métal et son humeur de chien quotidienne ?

— Mieux vaut ne pas parler de lui, trancha sa voisine.

Il les entendit chuchoter quelques minutes avant qu'elles ne partent sur un autre sujet de conversation. Son téléphone sonna une nouvelle fois. Il se releva en envoyant violemment sa balle voler dans un coin, qui rebondit plusieurs fois avant de heurter le pot d'un cactus asséché depuis des semaines et de le briser net. C'était sa psychologue qui lui avait demandé de l'acheter, disant que les plantes aidaient à rendre un espace plus accueillant. C'était des conneries pour lui, mais il l'avait fait pour qu'elle le lâche, avait pris une photo, et avait totalement oublié son existence. Jusqu'à ce qu'il découvre qu'elle était morte.

Son téléphone affichait sept appels manqués, de plusieurs numéros différents, dont la plupart étaient masqués. Il l'éteignit, fortement irrité par cet engin de malheur. La technologie n'était pas son truc, elle l'agaçait plus qu'autre chose.

— Qu'est-ce qui ne vous agace pas ? murmura la voix de sa psychologue dans sa tête.

Il jura dans un grognement, avant de reprendre son activité précédente : s'ennuyer. La journée passa lentement. Il faisait presque nuit lorsque l'amie de sa voisine quitta son appartement et que le calme revint. Une légère musique remplaça les discussions et rapidement, une douce odeur parvint à ses narines. Sa voisine cuisinait, et ça lui donnait faim. Il sauta sur l'occasion pour aller piocher dans son réfrigérateur quelque chose à grignoter.

Vide. Il avait oublié qu'il était censé faire les courses aujourd'hui. Il referma brutalement la porte et se laissa tomber dans son canapé. Après plusieurs minutes, l'odeur persistante lui creusait l'estomac, et il détestait sa voisine de le torturer ainsi. Il se releva, et fouilla dans tous ses placards, à la recherche de nourriture. Il tomba avec dépit sur une vieille boite de conserve de haricots verts, pas encore périmée. Il se résigna : au moins, il mangerait ce soir.

Après ce repas pathétique mais efficace, il s'allongea sur son canapé en silence, ce qui était son activité favorite. Il repensa aux futilités échangées par sa voisine et son amie plus tôt dans la journée. Qu'est-ce qu'il ne donnerait pas pour avoir ce genre de problème à la place des siens. Il se laissa emporter par le flot de ses pensées et sombra dans un sommeil léger.

Il se réveilla sur les coups d'une heure du matin. Il se redressa en panique, se prit les pieds dans sa couverture en voulant se relever et tomba lourdement au sol. Il se précipita à l'extérieur de sa chambre, alluma la lumière du salon et ouvrit grand sa fenêtre. Il retrouva peu à peu un souffle calme. Pourtant, il n'arrivait pas à effacer le regard apeuré d'une de ses nombreuses victimes, actrice du cauchemar dont il venait de sortir. Il revoyait presque ton sang sur ses mains, la chaleur qui lui réchauffait les doigts, avant de se répandre sur la neige.

Il serra tant les poings à ce souvenir qu'il fissura la rambarde qui protégeait sa fenêtre. Ce qu'il pouvait en avoir marre de casser tout ce qui lui passait sous la main... Il décida de passer ses nerfs sur son sac de frappes, jusqu'à ce que la douleur dans ses mains l'empêche de continuer. Ça ne durait jamais longtemps, mais cette sensation l'apaisait un peu. Il considéra l'idée d'en parler en thérapie, avant de la balayer d'un soupir.

Il prit une douche bien chaude, à en faire rougir sa peau à la limite de la brulure. Comme si l'eau pouvait le purger de ses pêchés. Il retourna dans son lit, plus calme, tourna pendant une éternité avant de retomber dans les bras de morphée alors que le soleil commençait à se lever. Il sursauta lorsqu'un bruit sourd et continu commença. Il reconnut rapidement le son : sa voisine passait l'aspirateur chez elle. Et elle venait de le tirer d'un sommeil profond, comme il en avait rarement.

Énervé, il enfila un t-shirt, un short et des gants avant d'aller frapper violemment à la porte d'à côté. Sa voisine lui ouvrit, surprise et légèrement apeurée.

— Ça suffit !

Elle le regarda sans comprendre.

— Tu m'as réveillé ! reprocha-t-il.

Elle cligna des yeux, se retourna vers son aspirateur en fronçant les sourcils, puis lui fit face de nouveau.

— Quoi ? J'ai pas le droit de nettoyer mon appartement ?

— Pas à cette heure-là ! Je dors !

— Pardon ?

Sacha se contenait. Il venait se plaindre du bruit... lui ? C'était du foutage de gueule à ce niveau.

— Il est onze heures passées ! s'indigna-t-elle.

Il regarda par-dessus son épaule, et plus précisément par la fenêtre, et constata que le soleil était bien levé. De mauvaise fois, il souffla fortement et claqua la porte de son appartement derrière lui.

— On aura tout vu, maugréa Sacha en fermant sa porte également.

Mon enfoiré de voisin {Bucky Barnes}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant