Chapitre 2

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Le réveil de Sacha sonna à sept heures pile. Elle ouvrit difficilement les yeux, la tête en feu d'avoir eut une nuit si courte. Cet enfoiré de voisin avait continué son bordel plus d'une heure avant de finalement décider de s'arrêter, non sans avoir pris une longue douche. Il avait ensuite fallu un bon moment à la jeune femme pour se rendormir.

Elle se prépara, tâtonnant encore avec ce qui se trouvait encore dans des cartons et ce qu'elle avait commencé à ranger. Puis elle prit la route pour son travail. Dans le bus, son téléphone vibra, ce qui était rare si tôt le matin. Encore un message de Bastien... Elle le parcourut sans ouvrir l'application, avant de supprimer la notification avec un soupir énervé. Il ne comprenait vraiment pas ce que le mot "rupture" signifiait. C'en devenait flippant. Déjà qu'elle lui avait volontairement dissimulé l'appartement qu'elle avait trouvé, craignant qu'il ne vienne la voir. Il n'avait jamais été violent, mais il prenait si mal leur séparation qu'elle devait prendre ses précautions. Et puis, s'il n'était pas content de la voir partir, tant pis pour lui. Cela faisait des mois qu'elle lui faisait comprendre qu'il la rendait malheureuse, et il n'avait rien changé dans son comportement. Maintenant, ses promesses ne valaient plus rien. Il ne l'avait pas cru quand elle avait menacé de le quitter, maintenant il s'en mordait les doigts.

Bucky s'enfonça dans le canapé avec exaspération, la mâchoire serrée. Comme d'habitude, son stupide rendez-vous avec la psychologue ne servait à rien.

— James...

— En général, quand vous commencez une phrase par mon nom, je sais que je ne vais pas apprécier ce qui suit...

La femme lui jeta un regard entendu, et il lui laissa la parole, non sans souffler.

— Comment puis-je vous aider si vous ne vous ouvrez pas à moi ?

— Vous avez dit vous-même que j'avais des problèmes de confiance. Je vous laisse deviner.

Sur la défensive, comme à son habitude. Ces sessions commençaient sérieusement à l'agacer. Déjà plusieurs semaines qu'il allait la voir, presque tous les jours, et rien ne changeait.

— Vous savez que je ne veux que vous aider. Tout le monde ne cherche pas à vous faire du mal. Ni à vous utiliser.

À cette dernière phrase, le regard de Bucky devint noir. C'était un sujet à ne pas aborder à la légère, et elle le savait. Elle savait parfaitement comment il pouvait réagir. Il se redressa, posant ses coudes sur ses genoux, et la regardant droit dans les yeux. Il choisit cependant de rester silencieux.

— Vous devez me parler de vos cauchemars. Ils sont l'épicentre de...

— Je vous en ai déjà parlé. Ils ne changent pas.

Il revoyait en boucle tout ce qu'il avait fait, lorsqu'il était le soldat de l'hiver. Les personnes qu'il avait blessées, tuées... Leurs cris de douleur l'empêchaient de trouver le sommeil et la fatigue accumulée le rendait... nerveux. Au mieux.

— Racontez-moi votre rêve le plus récent.

Il souffla. Tout ça ne servait à rien. Il se résigna tout de même à raconter celui qui l'avait réveillé cette nuit. Cet adolescent, qui était au mauvais endroit au mauvais moment, qu'il avait descendu froidement. "Pas de témoin", entendait-il encore. La douleur était telle qu'il ne resta qu'en surface en racontant ce qu'il s'était passé.

— Vous avez réussi à vous rendormir ?

— Non.

— Vous avez essayé les exercices de respiration que je vous ai donné.

— C'est de la merde, cracha-t-il.

Un regard désapprobateur le poussa à reprendre.

— Ça ne marche pas, maugréa-t-il. Frapper dans mon sac a réussi à me calmer au bout d'un moment, mais pas assez. Ça a réveillé ma voisine, qui est venue frapper à ma porte. Ce qui m'a encore plus énervé.

— Je vois. Et les médicaments...

— Je ne les prendrai pas, trancha-t-il. Ils me laissent... amorphe.

Vulnérable.

— Ils vous aident à dormir.

Il se leva vivement. Il avait besoin de bouger, rester assis le rendait fou. Il fit quelques pas dans la pièce, en silence.

— Parlez-moi.

Silence.

— Je ne peux pas vous aider si vous ne me parlez pas, James.

— Peut-être que vous ne pouvez rien pour moi. Peut-être que personne ne peut me sauver...

Sacha, fatiguée par sa courte nuit et sa journée à supporter ses collègues, rentrait enfin chez elle. Dans le hall de l'immeuble, elle croisa son voisin, qui récupérait son courrier. Elle leva les yeux au ciel, il fallait vraiment qu'elle le recroise aussi vite... Elle remarqua qu'il portait toujours ses gants, ce qui était aberrant à l'approche de l'été. Il se trouvait en plein milieu du passage pour rejoindre l'escalier, et le nez sur une lettre, il ne daigna pas bouger d'un centimètre lorsqu'elle approcha. Elle voulut passer derrière lui sans le toucher, mais son sac à main qu'elle maitrisa mal vint lui toucher le coude. D'un mouvement brusque, il retira son bras comme si elle l'avait frappé et fit tomber sa lettre. Il lui jeta un regard noir.

Elle se baissa en vitesse pour la ramasser en s'excusant, pestant intérieurement contre elle-même d'être aussi conciliante alors qu'il méritait clairement de s'en prendre une. L'enveloppe était encore fermée, et elle vit un tampon qu'elle ne reconnut pas. Il lui arracha des mains avant qu'elle n'eût le temps de quoique ce soit et monta les marches en vitesse. Il était si rapide qu'elle entendit sa porte claquer alors qu'elle n'en était qu'à la moitié de l'escalier. Ce mec était définitivement bizarre.

Elle prit une longue douche pour se calmer et entreprit de préparer à manger. Elle sursauta quand un bruit sourd résonna, faisant trembler les murs. Un élan de panique remonta le long de son dos, et elle se précipita vers l'appartement de son voisin, de peur qu'il ne soit blessé. Elle frappa à la porte, qui s'ouvrit vivement, laissant apparaitre son voisin de palier très en colère.

— Est-ce que tout va bien ? s'enquit-elle. J'ai entendu...

— C'est rien, aboya-t-il. J'ai frappé dans le mur.

Elle fronça les sourcils. Elle regarda ses mains qui semblaient aller bien, mais avec ses gants, difficile de savoir. Il ne semblait pas souffrir, et sa carrure l'empêchait de voir l'intérieur de l'appartement. Il inventait certainement cette excuse pour qu'elle le laisse tranquille.

De quoi elle se mêlait cette voisine ? Elle ne pouvait pas s'occuper de ses affaires ? Elle le dévisagea quelques secondes, perplexe, avant de s'excuser et de retourner chez elle. Il referma la porte dans un claquement et retourna à l'intérieur. Il attrapa la lettre du S.H.I.E.L.D., la déchira et jeta les restes dans la poubelle. Une bande de cons, tous tels qu'ils étaient.

Mon enfoiré de voisin {Bucky Barnes}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant