53. Abysses

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La soirée se passe tout aussi tranquillement. Mathis et moi alternons entre ma chambre et le rez de chaussée en compagnie de nos parents. Jusqu'au moment où, en plein repas, mon téléphone se met à vibrer dans la poche arrière de mon jean.

Je l'en extirpe discrètement, et fronce fortement les sourcils en apercevant que Nathaniel tente de m'appeler. Mon cœur s'accélère automatiquement. Nathaniel n'est pas censé être en capacité d'utiliser son téléphone. Qui, dans ce cas, essaye de me joindre avec cet appareil ?

Je me lève vivement de table, les jambes en coton, le cœur sur le point de lâcher. Je décroche.

- Allo ? Gabriella ?

Je reconnais aussitôt la voix de Bob, l'ami tétraplégique de Nathaniel. Cet appel ne me dit rien qui vaille. Cela n'augure rien de bon. Je suis forcée de m'asseoir sur le canapé du salon afin de ne pas flancher.

- Bob ? demandais-je. Qu'est-ce qu'il se passe ?

×××

Il se racle la gorge.

- Nathaniel ne va pas bien, finit-il par dire. Genre...pas du tout.

J'ai la sensation que mon cœur va lâcher. Je tente de répondre, mais les mots restent bloqués. Je m'éclaircis alors à mon tour la voix.

- J'arrive, déclarais-je.

Je raccroche aussitôt, range mon téléphone dans ma poche. Me précipite dans les escaliers, atteins ma chambre. Mes yeux se posent sur le fond de teint que j'ai acheté à Nathaniel cet après-midi. Sans réfléchir, je l'attrape.

Je dévale alors les escaliers en sens inverse, enfile le premier manteau venu, des chaussures. Et claque la porte derrière moi, sans que les invités ne m'aient vue.

Je commence à courir dans la rue. Les maisons défilent sous mes yeux, certaines dont les lumières sont allumées, et d'autres non. Nous sommes le soir de Noël, et je suis là, à sprinter dans la nuit. Le silence est brisé par le seul bruit de mes respirations irrégulières.

Et, peu à peu, j'entends des pas précipités se rapprocher de moi. Je m'arrête alors, fais volte-face. La faible lueur d'un lampadaire éclaire le visage de mon cousin. Ses sourcils sont froncés. Essoufflé, il se passe la main dans les cheveux. Il ne comprend rien.

- Je t'expliquerai après, dis-je, moi-même à bout de souffle. Suis-moi.

Et je recommence à courir en direction de l'arrêt de bus le plus proche de chez moi. Mathis me suit, muet. Je lui en suis reconnaissante. Il court au même rythme que moi, et sa respiration se cale sur la mienne. Après une course effrénée, nous voilà arrivés. Je jette un coup d'œil à mon téléphone. 22h13. J'ai de la chance. Les derniers bus passent aux alentours de 23 heures.

Je me tourne, et tente, grâce à une affiche plastifiée sur l'arrêt de bus, de savoir à quelle heure arrive le prochain. 22h20. Je soupire. Ce n'est pas assez rapide.

Aurais-je dû prévenir mes parents ? Sûrement. L'envie de pleurer me prend. Je ne voulais pas les déranger. Je me mets à tourner en rond, impatiente, rongée par le stress. Je passe ma main dans mes cheveux plusieurs fois, regarde mon téléphone toutes les minutes.

22h17. 22h18. 22h19. 22h20.

Je me rapproche de la route, et, penchée, tente d'apercevoir le bus qui arrive. Il n'arrive pas.

22h21.

22h22.

Je finis par voir, au loin, deux petites lumières se rapprocher. Il est là. Il stationne devant nous, et les portes à peine ouvertes, je me précipite à l'intérieur. Mon cousin me suit, bien qu'il n'ait pas de carte.

For Two MonthsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant