Toi sans moi

Cinquante-cinquième

-C'était maladroit, mais je comprends la démarche.

Je relevai la tête vers Steve.

-Tenez, un chocolat chaud, ça fait longtemps que vous êtes dehors, vous n'avez pas froid ?

Je pris la boisson, posant mes paumes contre le gobelet brûlant pour me réchauffer un peu sans oser prononcer un mot. La tête basse, mon regard perdu dans le tourbillon de chocolat, je restai aussi silencieux que lui.

-J'ai vu leur clin d'œil et leur sourire. Et au vue de votre grimace, vous avez du voir bien pire que ça.

Je sentais ses iris sur moi, mais je ne le regardais pas.

-J'ai tout fichu en l'air c'est ça ?

Il ne me répondit pas, ou du moins, pas dans l'immédiat.

-Non, le dossier était intact.

Je relevai lentement mes yeux vers lui, effrayé de son mensonge. Pourtant, je ne vis dans son regard que de la sincérité.

-C'est lui qui vous a demandé de venir ?

Il secoua la tête, reportant son regard sur l'immeuble devant nous, scrutant chaque fenêtre du second étage.

-Il est inquiet pour vous, mais, il ne m'aurait jamais demandé de venir vous voir ici. Ce n'est pas comme si nous étions au bureau.
-Nous sommes juste en face, lui rappelai-je.
-Oui, et, depuis que vous êtes assis ici, M.Conrad ne vous quitte pas des yeux. Alors, j'ai décidé de venir vous rejoindre.

Je baissai à nouveau les yeux sur la boisson, buvant une gorgée bien que le liquide me brûla la langue puis la gorge.

-Vous n'auriez pas dû venir là, soufflai-je finalement.
-Peut-être, haussa-t-il les épaules. En tant qu'employé de M.Conrad, mais je ne suis pas que ça. Je suis aussi votre ami Nao. Vous m'avez ouvert votre cœur, un cœur tendre et pur, qui était là, à m'écouter sincèrement.

Mes yeux peinés rencontrèrent ceux amicaux de Steve.

-Vous n'avez pas à vous en vouloir pour ce qu'il s'est passé, vous ne vouliez que son bien.
-Mais lui ne l'a pas compris, soupirai-je.

Ensorcelé, je ne pus m'empêcher de laisser couler le lait aussi chocolaté, sucré et bouillant dans ma bouche.

-Vous pourrez toujours lui expliquer ce que vous avez vu.

Je décollai ma bouche du gobelet, les yeux grands ouverts.

-Même pas en rêve, il serait beaucoup trop choqué d'apprendre ça sur son assistante et ne me croirait pas !

Il pouffa un peu, portant à ses lèvres son café, il en avala une gorgée avant de me répondre.

-Il serait pourtant temps qu'il le sache. Après tout, ça dure depuis quelques mois déjà !
-Il ne portait pas de préservatif.

Il arrêta soudainement de rire, se tournant vers moi, sans voix.

-Tu veux dire qu'ils...sans...?

J'acquiesçai, sous ses yeux choqués, une grimace identique à la mienne s'invita sur ses traits, il finit pourtant par rire.

-Et vous, quelle est cette histoire de bébé ? Vous en attendez vraiment un ?