Quatre-vingt-dix-neuvième

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Dans un soupir, mon doigt se dirigea vers la sonnette qu'il pressa doucement, espérant ainsi retarder ce moment inévitable. J'y avais pensé toute la journée, m'y préparant mentalement tout en tournant en rond. J'avais même choisi de venir le plus tard possible, pour éviter le moment fatidique. Pourtant, je ne pouvais pas le fuir pour toujours. Je serrai contre moi la pochette contenant mes dessins.
La porte s'ouvrit, son visage souriant m'apparut, adoucissant mon cœur un instant, mes yeux clignant devant cette beauté simple mais magnifique en tout. Je ne pus lui rendre son sourire, il n'en perdit pourtant pas le sien, espérant me mettre en confiance ainsi. Il se décala en me proposant de rentrer, je le fis, sans un mot. Il referma la porte, ses yeux se fixèrent sur moi, attendant que j'enlève ma veste, je ne le fis pas. Je ne comptais pas rester ici très longtemps. Le comprenant, ses yeux se voilèrent et son sourire s'amoindrit.

-Tu veux quelque chose à boire ? J'ai préparé quelques petits trucs si tu avais faim.

Je me retins de le regarder. Cet homme était adorable et, j'étais sûr qu'en posant mes iris sur lui, je ne pourrai le confronter dans l'immédiat et, je le laisserai me chouchouter un peu. Parce que, j'en avais envie.

-Ça ira, répondis-je plus froidement que je le voulus.

Mais, si je ne nous imposais pas cette distance, et, avec son odeur délicieuse, je ne pourrais pas aussi bien lui résister.

-Ne reste pas dans l'entré, viens au salon, Tina dors sur le fauteuil.

Il ne tenta pas de me toucher, alors, je me décidai, marchant jusqu'au salon, l'expression sérieuse, ma pochette contre moi. Dans un mouvement naturel, et des pensées envahissant mon esprit, je m'assis sur le canapé. Pas aussi confortablement que d'habitude, mais, je m'y étais tout de même assis, et par mégarde.
Mes yeux tombèrent sur la table basse, sur laquelle se trouvait quelques en-cas, sucré ou salé. Bien que l'envie me prenne, je n'en mangeai pas un seul. L'estomac noué, tout autant que ma gorge, je n'avais pas pu avaler quoique ce soit de la journée et, heureusement pour moi, les Bradford n'avaient pas été là pour me surveiller.
Il s'installa, à bonne distance sur le canapé. Je me levai, ne supportant plus les secrets qu'il gardait. Ils rendaient sa présence totalement infecte. Je me mis face à lui, la table basse nous séparant. J'ouvris ma pochette, en sortant les portraits que j'avais fait. Je lui tendis le premier, son regard sérieux se posa sur celui-ci, il le prit.

-Est-ce que tu le connais ?

Ses sourcils se froncèrent, il cherchait. Il finit par secouer la tête et, sous son expression à la fois perdue et perplexe, je sus qu'il ne le connaissait vraiment pas.

-Tu n'as pas une idée de son nom ? Je ne sais que la première lettre.

Sa main posée sur son menton, il y réfléchissait sérieusement, ce que j'appréciai.

-Ça ne me vient pas là, désolé.

Je repris le dessin, lui tendant un autre, le paysage, celui de ce magnifique jardin printanier, sous le soleil brûlant et l'ombre agréable des arbres. Au loin, de belles fleurs de toutes les couleurs ornaient les bases de la belle bâtisse dont nous ne voyions qu'un seul mur. Ses yeux se plissèrent alors qu'il la prit, je rouvris mon esprit, son expression n'affichant qu'une réflexion intense. Je sentis de la surprise venir de Nateo. Je le savais ! Le léger froncement de ses sourcils m'avait induit en erreur ! Ce n'était pas de la réflexion mais de la surprise. Je refermai mon esprit avant qu'il ne sente ma colère.
Ses yeux se relevèrent vers les miens, s'y accrochant. Je me retins de les confronter tout de suite, attendant la suite.

-C'est très beau, mais, où est-ce ?

Ils se foutaient vraiment bien de ma gueule. J'haussai les épaules, le récupérant avant de le ranger soigneusement, je lui tendis le portrait de la mère, souriante. Cette fois-ci, je le sentis réellement perdu. Mais, ne se moquaient-ils pas encore de moi ? Je n'osais plus rouvrir mon esprit, de peur de me faire repérer, bien trop tôt. Je lui tendis dans la foulée le portrait du fils, ne supportant plus cette attente. Il ouvrit de grands yeux, ne pouvant cacher son ébahissement.

Toi sans moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant