Épisode 239 : Vocation

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Les moments de bonheur pur que nous avions goûtés ne reviendront pas, car ils appartenaient à une autre époque, un autre contexte, et à des personnes que nous n'étions plus.

Et c'était ça qui m'était douloureux.

Réaliser que tous ces petits moments avec mon mari, mes amis et mes enfants avaient été si éphémères. Et que tout ce que j'avais désiré, on me l'avait arraché.

J'étais restée toute la soirée dans ma chambre, à juste pleurer pour tous ces souvenirs qu'il avait réveillé en moi, cette tranquillité disparue, et mes amis qui avaient fait partie de ma vie et qui n'étaient plus.

À pleurer ce cœur qui me pressait la poitrine, à pleurer pour ce sentiment de vide dans lequel je tombais dès que je pensais à mes enfants, et à pleurer au souvenir de notre conversation.

Rivaille m'aimait.

Et ça m'effrayait, parce que c'était son amour qui avait brisé mon cœur en morceaux.

Mais après toute cette haine déversée, cette colère, cette amertume, cette vengeance, cette rancœur qui avait été si forte contre lui, je ne pouvais juste pas répondre à ses sentiments.

C'était impossible.

Et toute cette détresse émotionnelle me faisait me demander si on s'était vraiment aimé.

Je lui en avais voulu pour sa violence, cette brutalité, cette bestialité, mais c'était cette même violence qui nous avait rapproché.

Et c'était la guerre qui nous avait mis ensemble.

Maintenant qu'elle était terminée, qu'est-ce qu'il nous restait vraiment à part des brides de souvenirs ? Rien. Il ne nous restait rien, à l'exception de notre fille qui nous attendait. Mais un enfant ne pouvait être en aucun cas notre excuse pour se rabibocher comme si de rien n'était.

Kuchel en souffrirait tellement, elle, qui n'avait que nous.

J'étais déboussolée et je ne pouvais m'empêcher de retourner notre relation dans tous les sens.

Est-ce que notre amour même avait-il été réel ? Ou il n'avait été qu'un faux-semblant, une échappatoire, une illusion sans qu'on s'en rende compte, dans laquelle on s'était perdu pour fuir les affres cruelles de la guerre ?

Dans laquelle on avait succombé car nous avions eu besoin de quelque chose de fort, plus fort que nous-même, pour nous retenir de sombrer dans la déshumanisation ?

J'étais peut-être la seule qui avais les réponses. Mais dès que j'y pensais, les possibilités devenaient multiples, déformées par l'envie, la peur, le rejet, le manque. Déformées par ce que je voulais secrètement, et ce que je n'aurais pas. Déformées par le deuil qui m'engloutissait comme un prédateur qui dévorait sa proie.

Sans pitié.

Et finalement, après cette soirée désastreuse, j'avais commencé à éviter Rivaille car il n'était que torture pour mon esprit et mon cœur.

Je n'étais certes plus possédée par cette colère monstre qui avait pu me faire dire des choses que je regrettais... Mais j'avais l'impression d'être redevenue cette coquille vide.

Et les seuls moments où je me sentais un peu vivante, c'était lors de mes sorties avec Ida.

Même si nos sujets de discussion n'étaient pas une partie de plaisir –  comment se débarrasser d'un empoté accessoirement son père par exemple, ça m'obligeait à respirer l'air frais.

Dès fois, elle m'emmenait dans les quartiers qui avaient été le moins touché par la guerre et on prenait un café en terrasse, là où elle était certaine qu'il n'y aurait pas d'oreilles indiscrètes qui traînaient.

[SNK - LEVI X OC] GUERRE ET PAIX IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant