La rose et le sabre (Livaï X Oc)

32. L'amour d'une mère

An 831, Revelio - Mahr

Jarod jeta un œil derrière lui pour s'assurer qu'il n'était pas suivi et tourna au coin d'une ruelle sombre. A son passage, un chat errant détala pour aller se cacher derrière une poubelle renversée. Il soupira. Il détestait cet endroit, ces rues sales et cette ambiance funeste qui s'en dégageait. Être cloitré dans cette ville le rendait fou. Il rêvait d'en sortir, et de pouvoir mener une vie paisible de l'autre côté du grillage. Il avait eu l'occasion d'y aller à quelques reprises pour le travail, et avait pu constater la différence de niveau de vie. Mais il était né Eldien, et devait se contenter de Revelio. Il aurait pu se faire une place de choix grâce à sa formation à l'armée, mais il avait dû abandonner sa carrière prometteuse à la demande de Merah, sa femme, qui ne supportait plus de le voir partir pendant des semaines pour servir Mahr. Il avait accepté d'y renoncer pour prendre un travail d'imprimeur de journaux, qui ne le réjouissait pas plus que ça. Mais au moins, Merah avait cessé de lui faire des reproches et ils menaient une vie plutôt paisible.

Il s'arrêta devant une porte miteuse en bois et frappa six coups. Un loquet en bois coulissa et deux yeux apparurent derrière le judas grillagé.

- C'est moi, Jarod, lâcha-t-il d'un ton las.

La porte s'ouvrit et il entra avec empressement.

- T'as pas été suivi ? demanda Harold en refermant tous les verrous.

- Bien sûre que non, pour qui tu me prends ?

- Hé ça va, doucement, simple vérification.

- Ouais, ouais, c'est ça.

Jarod emprunta l'escalier qui descendait à la cave. Une petite lanterne au gaz avait été pendue au mur et éclairait l'endroit d'une lumière vacillante. Il atteignit la deuxième porte en bois et frappa de nouveau les six coups distinctifs. Elle s'ouvrit alors sur Grisha qui l'enlaça brièvement.

- Merci d'être venu, Dinah est là aussi.

- J'en doute pas.

La jeune femme s'empressa d'enlacer son frère, puis posa sa main sur sa joue.

- Comment va Merah ?

- Bien, elle a des nausées mais le médecin lui a donné des herbes pour les faire passer.

Dinah l'emmena s'assoir à la large table où siégeaient déjà plusieurs hommes et femmes qui lui adressèrent un signe de la main.

- Maintenant que nous sommes au complet, la réunion peut commencer ! lança Grisha.

Jarod suivit les élucubrations de son ami d'un œil morne. Ce qui autrefois l'avait stimulé le laissait aujourd'hui de marbre. Toutes ces réunions pour au final ne pas avancer. Il avait perdu espoir, comme beaucoup d'autres d'ailleurs. Les plans de son ami semblaient irréalisables, et son idée d'utiliser son gamin pour parvenir à ses fins le mettait en colère.

Lorsque la réunion s'acheva, il resta assis, et attendit que la cave se vide. Il voulait leur parler seul à seul. Il le fallait. Dinah interrogea son frère du regard et fronça les sourcils lorsqu'elle aperçut son air renfermé. Elle ne le connaissait que trop bien. Et il était clair qu'il avait quelque chose d'important à leur dire. Elle tapota sur le bras de Grisha qui se retourna et toisa son ami avec suspicion.

- Tu as quelque chose à nous dire, Jarod ? demanda-t-il en croisant les bras.

- Oui.

Jarod se leva et leur fit face.

- Tu me fais peur, murmura Dinah.

- Je vais quitter la résistance, annonça-t-il.

- Quoi ? fit Grisha. Qu'est-ce que tu racontes ?