La rose et le sabre (Livaï X Oc)

44. A l'aube de la dernière bataille

J'atterris brutalement sur mes pieds, et manquai de perdre l'équilibre, emportée par mon élan. Je me jetai derrière une cargaison laissée à quai. Magath s'y trouvait et tirait par à-coups vers les pro-Jäger restants. Il tourna vivement la tête dans ma direction et une expression abasourdie se dessina sur son visage, avant de se transformer en colère.

- Kiara ! Qu'est-ce que tu fous là ?! s'écria-t-il.

Il jeta un œil vers le bateau qui s'éloignait et revint sur moi.

- Pourquoi t'es pas partie avec eux, idiote ?!

- Je ne pouvais pas vous laisser seul contre eux. Si les pro-Jäger arrivent à rattraper nos amis, le plan est complètement foutu !

Magath grogna et se releva pour tirer une salve de balles sur les deux soldats en contre-haut. Je l'imitai, mais manquai ma cible.

- Ils sont coriaces, râlai-je en rechargeant mon arme.

Je tâtai mes poches et constatai qu'il ne me restait plus aucune munition. Mon regard croisa celui du Maréchal et je compris qu'il en était de même pour lui. Il expira longuement, puis me fit signe de le suivre. Il s'élança alors de derrière notre cachette, s'exposant complètement aux tirs de nos assaillants, et tira sans s'arrêter. Je fis de même, priant pour qu'aucune balle ne me traverse. Au bout de cinq tirs, mon fusil émit un claquement bref, et le bruit des coups de feu cessa. Je tournai la tête vers Magath qui abaissait son arme, à court de balles lui aussi. Il planta ses yeux sombres dans les miens, et il m'apparut comme résigné à accepter son sort.

- Ils sont à sec ! C'est le moment de les descendre ! cria l'un des deux soldats restants.

Ils pointèrent leurs armes sur nous, et mon reflexe me poussa à m'élancer vers Magath pour le couvrir.

- Qu'est-ce que tu fous, imbécile ?! hurla mon supérieur.

Un coup de feu retentit, et je protégeai ma tête de mes mains alors que je tombais au sol avec Magath. Puis j'attendis de sentir la douleur mais elle ne vint pas. Je me risquai à regarder par-dessus mon épaule, et aperçus une silhouette se poser à nos côtés, en contre-jour. Je plaçai ma main en visière pour voir de qui il s'agissait et découvris avec stupeur qu'il s'agissait du vieux Sergent-Instructeur Keith Shardiz.

- C'est un beau jour pour mourir, me dit ce dernier en me tendant une main.

Je la saisis et il m'aida à me remettre sur pieds. Puis il fit de même avec Magath, et posa ses poings sur ses hanches.

- Lieutenant Fring, ça faisait longtemps, dites-moi.

- En effet, Sergent.

Il étira sa bouche dans un sourire cerclé de rides et regarda vers les deux hommes qu'il venait d'abattre.

- C'est vous qui avez dégommé les renforts qui arrivaient en train ? demanda Magath.

- Tout à fait. Et il en viendra sûrement d'autres. Pourquoi n'êtes vous pas partis avec les autres tout à l'heure ?

- Car avec ce bateau restant, les renforts auront tôt fait de les rattraper, répondit le Maréchal en désignant le croiseur à quai.

- C'est vrai que ce serait plutôt embêtant.

- Il faut le détruire à tout prix, déclarai-je en fixant notre objectif.

- Je suis du même avis, répondit Shardiz.

Il nous fit signe de le suivre et nous nous élançâmes vers le dernier bateau du port. Nous l'atteignîmes en peu de temps et nous hâtâmes de monter à son bord.