TRINITY - Tome 3 : Rencontre du troisième type

[ 4 ] Allégorie, ordres et contradiction

Je prends une profonde inspiration pour mettre mes idées au clair, puis me lance :

— C'est comme... comme s'il y avait la télépathie, là depuis toujours ; on se connaît bien elle et moi, elle est obéissante, mais si je perds le contrôle, elle sombre avec moi et fait n'importe quoi. De l'autre côté, il y la psychokinésie. Elle, elle est sauvage. C'est un animal qui est resté enfermé dans une prison sombre durant des années, et maintenant qu'elle est enfin déliée de ses chaînes, eh bien... elle est déchaînée.

Le torse d'Arsène tressaute lorsqu'il rit à ma blague.

— Tu me pardonneras mon jeu de mots vaseux ?
— Oui t'inquiète. Poursuis, je t'en prie.
— Cool... Donc, elle repose dans sa tanière au fin fond de ma conscience, enroulée sur elle-même comme un animal, mais elle est prête à surgir au moindre danger, parée au combat. Sauf qu'elle est têtue et n'attend pas mon feu vert pour rappeler sa présence. Je dois souvent la tempérer. Au début, j'avais beaucoup de mal, elle n'en faisait qu'à sa tête et j'étais souvent agitée de soubresauts. Parfois, j'avais même mal, tant son désir d'expression était grand. Je crois que c'est d'avoir été retenue et oubliée tout ce temps qui l'a rendue comme ça...
— Et aujourd'hui ?
— Ça va mieux. On s'entend mieux. J'ai appris à la connaître. Elle est plus sage.

Nous restons silencieux plusieurs minutes, comme si nous digérions, l'un comme l'autre, mes révélations.

— Depuis combien de temps t'es-tu rendu compte de ça ?

Il me faut un temps de réflexion pour répondre à cette question, qui me prend au dépourvu.

— Je crois que, dans un sens, je le sais depuis toujours, mais je me voilais la face. C'est devenu flagrant lorsque j'ai récupéré mes souvenirs et ai libéré ma psychokinésie de sa prison mentale. J'ai recouvert mon véritable niveau de puissance...
— Niveau 5...
— Niveau 5.

J'entends le tremblement dans ma voix lorsque je souffle ces simples mots.

— C'est... Je crois que c'est trop puissant pour être seulement à moi, pour ne venir que de moi, de mon corps et de mon esprit. Tu comprends ?
— Je crois que je vois où tu veux en venir.

Sa main caresse doucement mon épaule.

— Ces pouvoirs sont si puissants – d'autant qu'il y en a deux – qu'ils finissent par avoir leur propre volonté, sans toutefois avoir une identité et une personnalité à part entière, complètement extérieures à la mienne. Il me sont quand même reliés, soumis dans une certaine mesure, et ils sont là pour moi, pour me protéger, car ils ne vivent qu'au travers de mon corps et de ma conscience... Je ne suis pas sûre d'être encore claire. Même pour moi, c'est confus... me plains-je.

Je couvre mon visage de mes mains et me laisse aller contre Arsène. Les secondes s'égrainent. Je crois que notre étrange discussion est terminée lorsqu'Arsène reprend la parole :

— N'empêche, même si tes deux pouvoirs ne sont pas tout à fait des personnalités à part entière, ça me fait quand même beaucoup penser au TDI.

Je lève un nez étonné vers le brun.

— Tu t'y connais en Trouble Dissociatif de l'Identité, toi ?
— Ouais, un peu. Depuis que tu oublies ou abandonnes lâchement tes bouquins de psycho dans mon appart, je me suis mis à les feuilleter, par curiosité. Le dernier en date était justement sur le TDI. Et encore avant, c'était sur l'autisme et ses différentes formes et facettes. J'ai appris un tas de trucs grâce à toi au fait, merci.
— Oh ? De rien. Mais j'ai de la chance d'avoir un mec aussi curieux et ouvert que toi, dis-moi.

Arsène pince ma joue. Je ferme mon œil gauche, celui décoré de ma marque, et fronce le nez malgré mon sourire.

— Il faut au moins ça pour te supporter.
— Je te complimente et c'est comme ça que je suis récompensée ? Très bien, j'en prends note.
— Le prends pas mal. Tu as déjà une si haute estime de toi-même que je ne peux pas me permettre de trop en rajouter. On ne remplit pas un verre d'eau déjà plein, on le fait déborder.
— Je suis un verre d'eau plein ?
— À ras bord.
— Ça me va.