TRINITY - Tome 3 : Rencontre du troisième type

[ 38 ] Inquiétude, visite et conciliabule

[ L'Arche, île Nootka, CB, Canada,
24 Mai 20**,
10H09 ]

[ Taima ]

Toute l'Arche est très inquiète. Même si Wolfgang nous a dit qu'il se doutait que ce jour finirait par arriver, il s'est laissé envahir par la panique lorsque nous avons regagné son salon. Je le vois encore faire les cent pas sur son tapis élimé comme un lion en cage, passant et repassant sa main dans ses boucles rousses en marmonnant quelques phrases inintelligibles. Heureusement qu'Arthur Karl était là pour poser ses mains sur ses épaules et le ramener au calme grâce à quelques mots secrets, échangés par la pensée.

Craignant une attaque de la province, voire de l'État canadien lui-même, les deux hommes ont décidé que nous devions nous tenir prêts à quitter le village avec le strict nécessaire, au cas où. Les derniers événements et la décision de nos deux chefs ont été présentés aux habitants de l'Arche ; tout le monde a approuvé. Malgré tout, nous avons encore l'espoir de rester vivre sur l'île. C'est pour ça que nous y sommes toujours, rassurant comme nous le pouvons les réfugiés, jeunes et moins jeunes, vis-à-vis de la suite des événements... Qui reste très floue.

J'agite mollement mes pieds dans le vide. Le talon de ma botte à lacets tape contre le tronc de l'arbre sur lequel mes sœurs et moi sommes juchées. Plus loin, dans les arbres, se trouvent Ginger, Lev, Katinka et d'autres habitants de l'Arche. Jusqu'à nouvel ordre, nous sommes missionnés en tant que vigiles. Je souris toute seule en nous comparant aux sentinelles des Az'Vlow, ces extraterrestres ailés.

Trixie redresse la tête.

— Ils arrivent.

Nous nous relevons sur la grosse branche. Une troupe de militaires ne tarde pas à apparaître en contre-bas, se frayant un chemin dans les broussailles. Je porte une main à mon oreillette.

— On les a en visu'. On va au contact, préviens-je en donnant un coup de pied dans un câble qui tombe jusqu'au sol.

Nous sautons dans le vide, Trixie lévitant avec grâce, Tjana, sur un champ de force et moi, glissant le long du câble.

Les feuilles mortes et les aiguilles de pins crissent sous nos semmelles. On se fige.

Un homme, qui est tout sauf un militaire, nous fait face. Je déglutis, résiste à la tentation de porter ma main à mon front où se trouve le bijou que m'a offert Azaz, prenant la forme d'un diadème, puis fais quelques pas vers l'homme en costume trois pièces. Quelle idée de s'habiller ainsi pour une excursion en forêt...

— Je me présente, commence-t-il en tendant une main. Quinn Pru...
— On sait qui vous êtes, le coupé-je en levant aussi ma main mais pour l'arrêter. L'honorable Quinn Prud'homme, Premier ministre du Canada, et Alexander Shields, Chef d'État-Major de la Défense.

Les militaires en treillis les accompagnant se placent stratégiquement derrière eux, mitraillettes au poing. Je déglutis discrètement. On n'a pas intérêt à merder si on ne veut pas que tout parte en vrille et, accessoirement, terminer en passoire à taille humaine.

— Je vois que vous nous connaissez, remarque le CEMD.

Des deux hommes, c'est clairement lui le plus tendu. Je suppose qu'il n'a pas envie que la personne à la tête du gouvernement canadien meure alors qu'il n'est qu'à un mètre de lui.

— Vous êtes des... personnalités publiques, rappelle Tjana en faisant des cercles vagues pour montrer son propre visage.

Sa petite blague ne déride pas Alexander Shields.

— Et vous, qui êtes-vous ? questionne Quinn Prud'homme.

Son regard s'accroche à mon diadème.

— Êtes-vous... une sorte de princesse ?