TRINITY - Tome 3 : Rencontre du troisième type

[ Epilogue ]

[ Medstar Washington Hospital Center, Washington D.C, U.S.A,
03 Juillet 20**,
16H39 ]

[ Trixie ]

Nous introduire dans la clinique privée Medstar Washington a été plus simple que prévu, pensé-je pendant que nous nous débarrassons des tenues d'infirmières que nous avons « empruntées ».

Pourtant, quatre femmes marchant rapidement n'est pas ce qu'il y a de plus discret. Mais ici, tout le personnel est overbooké, ce qui nous a bien servi.

Le grande femme qui nous accompagne approche doucement le lit d'hôpital bardé de capteurs et de machines animées de bips, de lignes ondulant au rythme des battements d'un cœur frêle et de chiffres fluctuants. Elle prend la main de la toute jeune femme endormie. Sa peau est dénuée de couleur, à tel point qu'elle disparaît presque entre les draps et les oreillers blancs. Cette dame est Natasha Dmitriev, la femme de feu Nikita Dmitriev, l'homme qui fut à la tête des Indominus Lex et que nous avons combattu, vaincu... et tué.

Il y a quelques jours maintenant, j'ai réussi à libérer l'esprit de cette mère. Elle était bloquée dans une boucle temporelle formée à partir d'un souvenir, celui d'une balade, seule, dans des champs printaniers. Elle était forcée de se le remémorer encore et encore et toujours. Bloquée dans ses songes, comme si elle vivait en parallèle, dans sa propre tête, Natasha était empêchée de se concentrer suffisamment longtemps pour se raccrocher à d'anciens ou de récents souvenirs. Lorsque je l'ai libérée, que ses yeux ont quitté ce voile qui les couvrait, sa première réaction fut de crier de peur et d'appeler sa fille, comme si elle venait de se réveiller dans cette ruelle sombre. C'était comme si, en un claquement de doigts, Natasha avait été propulsée dix ans en avant.

Il n'a pas été facile de lui expliquer, mais elle nous a écoutées sans broncher, le souvenir des monologues que son mari mettait un point d'honneur à lui conter refaisaient doucement surface. Comprenant que son époux s'était perdu, qu'elle ne le reverrait plus et qu'elle ne pouvait plus rien pour lui, elle a essuyé une unique larme, a redressé le menton pour afficher une façade de femme forte n'ayant pas le temps de s'écrouler et a demandé à ce que nous fassions immédiatement de même pour sa fille, la dernière personne qui lui restait en ce bas monde.

Alors, me voilà, le bout des doigts posés sur les tempes de cette jeune femme, les yeux fermés, plongeant dans son esprit. Lorsque je franchis la ligne blanche, je suis surprise d'entendre des pensées. Des pensées qui demandent ce qu'il se passe, ce qu'est la sensation de chaleur sur sa peau, si ce sont les infirmières qui viennent finalement la débrancher, comme elles les a maintes fois entendu dire... Ce sont les pensées apeurées et confuses de quelqu'un qui vient de se réveiller. Les gens dans le coma dorment et s'éveillent, seulement, ils sont incapables de s'animer et d'ouvrir les yeux. C'est exactement l'état dans lequel est Maria.

Até continue son chemin dans la conscience en souffrance, franchit chacun de ses faibles remparts mentaux. Je soigne son esprit qui a été clivé de force, brise le cadenas et les chaînes épaisses qui l'entravent. Je rouvre les yeux, croise du regard des iris limpides. La jeune femme me sourit. Sa gorge, impuissante après tant d'années paralysée, n'arrive pas à parler, mais Maria articule malgré tout un difficile et soulagé « merci ».

[ *** *** *** ]

[ Tacoma, Washington, U.S.A
25 Juillet 20**
16H03 ]

[ Taima ]

En remontant mon sac sur mon épaule, j'observe un instant les lieux : un petit quartier de bord de mer soufflé par l'air marin qui charrie au passage l'odeur de fleurs, de pollen et de sel. Le ciel est bleu, la température est chaude sans être étouffante, les oiseaux chantent et les voisins se promènent ou profitent du beau temps. Quel cadre idyllique..! Je claque la porte de Blue Condor, pose la main sur la porte pour verrouiller la voiture bleu foncé, puis traverse la rue. Je pousse le petit portillon de bois peint en bleu et dépasse le muret. Une petite cloche en fonte attire l'attention d'une silhouette fine jardinant devant un parterre de myosotis.