[ 47 ] Nolight Land

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[ Nolight Land

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[ Tjana ]

Il fait si noir ici. Tout est opaque, mais j'ai beau tendre les mains et tourner en tous sens, mes doigts ne rencontrent pas la moindre surface. Et il fait si chaud... C'est étouffant. Je porte les mains à ma gorge, griffe ma peau à la recherche de ce qui l'étreint, la respiration sifflante. Je suffoque. Où sont passés mes froids hivers, mes doux printemps russes et canadiens ?

Un projecteur fend l'obscurité. Deux silhouettes féminines apparaissent. « Taima ! Trixie ! ». Immédiatement, mon cœur s'allège, bondit dans ma poitrine, et je trouve la force de courir vers mes sœurs, malgré le fait que je ne vois pas un instant où je pose le pied, malgré la chaleur qui m'étouffe et m'écrase, malgré cette peur étrange qui fait ployer ma cage thoracique.

« Trixie ? Taima ? » appelé-je encore, mais elles ne bougent pas. Elles se contentent d'observer ma piteuse course, que je voudrais endiablée, mais qui n'est que pénible. Le regard vide posé sur moi, mes sœurs se détournent de moi et s'éloignent. Je les appelle, hurle leur prénom à m'en déchirer la gorge, mais elles ne s'arrêtent pas. J'ai beau courir, on dirait qu'en un seul pas, elles font dix mètres, vingt mètres, cinquante mètres, cent mètres. Elles ont disparu sans un regard de considération... « Pourquoi ? Pourquoi me laissez-vous ? Pourquoi m'abandonnez-vous ? » sangloté-je en continuant d'avancer lentement. Mon pied accroche quelque chose au sol. Je m'effondre par terre, dans des débris. Quand je me redresse sur les mains, je touche des ossements. Je saurais reconnaître cette matière dans n'importe quelle situation.

Tous les débris que mes semelles rencontrent depuis le début de ce cauchemar éveillé sont des os. Le sol en est recouvert.

Mes victimes ? Elles voulaient me tuer, elles aussi. Qu'en aurais-je à faire ? Hein ? Hein ?

La lumière d'un nouveau projecteur fend le noir qui m'étreint. Deux silhouettes apparaissent : Babouchka Svetlana tenant par la main Katinka. Mais cette dernière n'est pas la Kat' que je connais. Elle serre son gros lapin bleu contre elle, M.Retard, et n'a que douze ans... « Regarde ce que tu as fait, ce que tu es devenue, Tatjana, commence Svetlana.

— Regarde-moi ! À cause de toi, je n'ai pas grandi. Je suis restée une poupée manipulée entre les mains de nos parents ! Tu m'a abandonnée, tu m'as laissée derrière toi, à mon triste sort. Tu as sauvé ta peau en me sacrifiant ! »

Je me relève avec difficulté, le poids sur ma poitrine de plus en plus grand brouille ma vue. « Non... Non... Je ne voulais pas te blesser avec mes pouvoirs, je...

— Pourquoi as-tu cru que tous ces messages, ces rêves et ces souvenirs t'étaient destinés ? » me coupe Svetlana.

Sa voix est glaciale et tranche avec l'environnement qui me fait suffoquer. Son regard et ses mots me transpercent comme des aiguillons de glace. « Tu es toujours aussi égoïste... Ça n'a pas changé depuis que tu es petite. Tu te prends toujours pour le centre du monde. Tout est pour toi.

— C'est faux ! Je veux protéger Katinka et les autres ! Cet argent et ce pouvoir nous sert à tous !
— Tu ments. C'est pour toi que tu fais tout ça. Tu évinces ta petite sœur à chaque fois. Pourquoi as-tu cru que ce manuscrit t'était destiné ? Je parle de papillon, oui, mais Katinka aussi en a un autour de l'œil.
— Je sais bien, nous sommes sœurs de sang... commencé-je laborieusement. Je veux partager avec elle, mais Kat' est encore jeune... Les dangers sont nomb...
— Ce n'est pas pour toi que j'ai fait tout ça et que je suis morte ! »

J'ai l'impression de recevoir une gifle brûlante. « Babouchka... S'il te plaît...

— C'est pour Katinka. C'est elle mon héritière, je n'en avais rien à faire de toi... mais je suis morte par ta faute ! »

Je tombe à genoux en sanglotant. Je suis à nouveau seule et perdue dans ce noir écrasant, effondrée au milieu des ossements. Je croyais que Katinka et Babouchka Svetlana m'aimaient...

Une lumière vacillante me fait relever la tête. Je déglutis difficilement, redoutant ce que celle-ci va me faire subir. Mes yeux s'arrondissent lorsque je comprends que les bruissements que j'entends et que les reflets que j'aperçois viennent d'une colonie de papillons monarques. Un fin sourire, soulagé, étire mes lèvres. Pendant un instant, la pesanteur afflige un peu moins mon corps. Mais ça ne dure qu'un instant volatile.

Il s'échappe d'entre mes doigts lorsque la nuée dorée s'enroule autour de moi, vrombissant si fort que mes oreilles en saignent malgré mes mains qui s'y plaquent. C'est un raz de marée d'or qui m'engloutit. Je hurle de peur et de douleur en bougeant les bras en tous sens. De minuscules coups de cisailles arrachent ma peau. Les papillons, que j'aime pourtant tant, me dévorent vivante. Je me débats, m'empêche de hurler de terreur lorsque les os de mes doigts m'apparaissent dans toute leur blancheur macabre, de peur que les insectes ne s'infiltrent dans ma bouche jusqu'à mes entrailles. Je chute encore parmi les os parfaitement décapés. Maintenant, je comprends ce qui leur est arrivé.

TRINITY - Tome 3 : Rencontre du troisième typeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant