[ 6 ] Horloge, départ et nuage

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[ L'Arche, île Nootka, Colombie-Britannique, Canada,
15 Avril 20**,
04H03 ]

[ Trixie ]

Mon horloge biologique me réveille. Dans l'obscurité, mes yeux qui s'ouvrent ne devinent que quelques ombres. L'odeur musquée et la chaleur des bras d'Arsène m'entourant sont parfaitement perceptibles, elles. Avec toutes les précautions du monde, je me dégage de ses bras musclés et me redresse en faisant tout pour que le lit ne couine pas.

Mes yeux s'acclimatent un peu à l'obscurité et reconnaissent les angles du visage et de la mâchoire carrée de mon amant, ainsi que ses cheveux en bataille qui voilent le tout. Délicatement, je dégage quelques mèches noires et soyeuses de son visage. Un soupir d'aise lui échappe. Je lui offre un sourire que ses yeux scellés ne peuvent voir, dépose un baiser sur son front et me lève. J'enfile rapidement mes vêtements et ma veste en cuir, celle décorée de longue franges.

Une fois hors du conteneur agencé en dortoir, je referme sa porte de métal avec mille précautions et descend les marches avec autant de discrétion. Sous l'escalier, je récupère le sac noir que j'ai préparé en secret la veille. Dès la fin de notre discussion avec la team de vainqueurs que nous sommes, j'ai fait mes bagages en quelques minutes. La force de l'habitude. Il y a de ces choses qui ne s'oublient pas. La fuite en fait partie.

Je le jette sur mon épaule et m'en vais à pas de loup. Je traverse l'île Nootka le plus vite possible. Le trajet me semble cent fois plus rapide et facile maintenant que je suis reposée et nourrie correctement. Lorsque je reviens sur le continent, je trouve, sous un petit abri, masquée par des branches et des bâches à motif treillis, ma moto. Je tire la bâche en camaïeu de vert qui la protège et la sort de là. Une fois que je l'ai traînée sur la route (non sans difficultés, mais je préfère économiser l'énergie que me demande mes pouvoirs), je sangle mon sac sur le porte-bagage arrière.

Je passe mon casque sur mes cheveux en bataille, claque la visière, enfile mes gants et jette ma jambe par-dessus la selle noire. Une boule se coince dans ma gorge. Je me force à l'avaler et à respirer profondément. Je n'ai pas le temps pour l'appréhension. Mon pied écrase la pédale, le moteur rugit, enfin réveillé après tant de jours d'attente. Les néons décorant les jantes et la carrosserie projettent des lueurs rouges sur la végétation qui m'entoure et les flaques creusant la vieille route abandonnée. Je lance ma moto à pleine vitesse, direction la gare ferroviaire de Victoria.

Les lumières de la ville apparaissent et galopent vers moi. J'ai minutieusement étudié l'itinéraire, cherchant le temps de trajet le plus court, et l'ai appris par cœur. J'ai dans l'intention de me glisser illégalement dans toute une suite de trains marchands afin de rejoindre le plus rapidement possible la ville de Rosaria, en Argentine. Ce que je ne pourrai pas faire en train, je le terminerai à moto.

Je m'engage entre les bâtiments de la métropole canadienne, slalomant entre les rares véhicules qui me gênent. Les autres vont sûrement m'en vouloir d'être partie sans rien dire, sans un mot, pas même écrit à la va-vite sur un bout de papier. Mais c'est quelque chose que je dois faire seule. Je dois faire face à mon passé par moi-même.


[ *** *** *** ]


[ Quelque part au-dessus du Canada,
16 Avril 20**,
17H23 ]

[ Tjana ]

Les nuages blancs et cotonneux que je vois à travers le hublot m'indiquent qu'il fait beau en contrebas. L'un deux semble être coiffé de couettes... Je secoue la tête pour arrêter de penser à cette satanée Trixie qui est partie en pleine nuit et qui ne répond même pas à mes appels. J'ai cessé d'insister au bout de trois tentatives infructueuses, supposant qu'elle avait une bonne raison pour ne pas répondre à sa petite sœur.

TRINITY - Tome 3 : Rencontre du troisième typeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant