TRINITY - Tome 3 : Rencontre du troisième type

[ 31 ] Munitions, longueur d'avance et ciseaux

[ Quelque part, Mer des Sargasses, île des Az'Driss,
12 Mai 20**
11H02, heure locale ]

[ Taima ]

Les oiseaux chantent, les voilages agités par le vent produisent de légers bruissements. Des bras enroulés autour de ma taille me gardent dans une tiédeur réconfortante. Puisque la lumière matinale m'a déjà réveillée, autant ouvrir les yeux.

Je découvre un Azaz encore profondément endormi, me servant à moitié de matelas au passage. Il m'enlace dans son sommeil, comme c'est mignon. Lentement, je monte une main jusqu'à son visage. Je caresse délicatement sa joue couverte d'écailles bleu pâle et mauves, douces et lisses.

Mon regard croise alors un orage à peine éveillé. Azaz, les yeux bouffis de sommeil, m'adresse immédiatement un sourire chiffonné.

— C'est pas mal, comme réveil... murmure-t-il.
— Hm hm... Bien dormi ?
— Mieux que jamais... Comment va ta morsure ?

Je porte ma main au creux de mon épaule droite. Les quatre petits trous sont encore bien visibles et rouges. Je les sens, légèrement bombés, sous la pulpe de mes doigts. Azaz a presque la même, mais plus petite, et à gauche.

— Quelques gorgées de sang et ça se portera comme un charme.

Azaz se redresse en position assise contre les oreillers et je me blottis contre lui, suffisamment réveillée pour répondre à ses interrogations.

— C'est quand même génial que vous puissiez guérir plus vite, grâce à ça.
— Ç'a toujours été un plus en tant que mercenaire : être plus résistant et guérir plus vite de blessures par balles. Quel mercenaire dirait non à ça ?

Sa main fait des va-et-vient le long de mon bras.

— Ça t'allait, de faire ce genre de travail ?
— Oui. Mes capacités étaient utiles, mon génie aussi, expliqué-je en faisant danser quelques éclairs entre mes doigts. Et puis je n'ai jamais été la fille la plus sociable du monde, même si je ne voue pas non plus une véritable haine aux êtres humains. Simplement, être juste toutes les trois, avec cette famille que nous nous étions choisie, ç'avait quelque chose de rassurant, aussi paradoxal que ça puisse paraître.
— Mais vous n'êtes plus toutes les trois, maintenant...

Je me retourne pour regarder Azaz droit dans les yeux. Il semble anxieux, comme s'il était inquiet de ne pas trouver sa place entre moi et mes sœurs.

Je prends son visage en coupe.

— Nous serons toujours toutes les trois, indissociables. Avec ce que nous avons vécu, je ne vois pas comment il pourrait en être autrement. Mais même si c'est vrai que ça n'a pas été facile, nous avons petit à petit laissé d'autres personnes entrer dans nos vies. Pourtant, crois-moi lorsque je te dis qu'on s'était juré plus d'une fois de ne jamais permettre à qui que ce soit de nous approcher.

Azaz se détend au fil de mes mots. Ses épaules se décrispent, son front se détend.

— Chacune veut le bonheur des deux autres. Les gens de l'institut Électre Even nous rendent heureuses, nous sommes proches d'eux. Trixie et Tjana sont tombées amoureuses... Elles attendaient que je me laisse aller à ce genre de sentiments à mon tour. Je suis certaine qu'elles vont t'adorer. Alors arrête de stresser et patiente jusqu'à ce qu'elles débarquent sur ton île comme des Amazones flouées par une bande d'arnaqueurs !

Les yeux d'Azaz, réveillés par notre discussion, sont rieurs. Il m'embrasse furtivement.

— Bon ! Assez de l'angoisse ! s'exclame-t-il en repoussant les voilages du baldaquin pour sauter du lit. Nous avons tous les deux des choses à faire. Si nous allions prendre le petit déjeuner sur la plage ?