[ 37 ] Bois, surprise et espèce menacée

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[ L'Arche, île Nootka, CB, Canada,
23 Mai 20**,
14H43 ]

[ Tjana ]

Nos oreilles ont effectivement chauffé ce jour-là. Wolfgang était en pétard. Il marchait de long en large et de travers dans son salon, comme un lion en cage. Arthur se contenait, assis dans le fauteuil du roux. Sa mine était fermée, ses doigts croisés sur le pommeau de sa canne étaient blancs.

J'en ai rapidement eu assez de me faire enguirlander comme une mioche, alors j'ai répliqué que si ça n'avait pas été nous, ç'aurait été quelqu'un d'autre. Wolfgang a évidemment contré que nous aurions dû être plus prudents et que cet incident n'aurait jamais dû arriver. Il fulminait dans sa barbe en disant que depuis toutes ces années qu'ils étaient cachés sur l'île, il avait fallu que son passé se ramène avec une bande de jeunes indisciplinés. Sa fille et son second s'aplatissaient en excuses sans fin. 

Ce fut à moi de faire redescendre Wolfgang sur terre. Non, nous n'avions pas fait exprès. Oui, nous mesurions la gravité de la situation. Non, nous ne savions pas ce qu'avaient compris les gardes-chasse sur nous. Oui, nous étions prêts à arranger la situation en retrouvant les gardes-chasse pour que Trixie leur efface la mémoire, même si nous n'étions pas sûrs qu'Adam soit capable de les retrouver.

Finalement, nous n'avons pas réussi à remettre la main sur eux. Le temps que nous revenions sur les lieux du drame, ils étaient sortis de l'île, trop vite et trop loin pour que les dons d'Adam, encore immatures, ne retrouvent leur trace.

Je secoue la tête pour me débarrasser de ces pensées qui me déconcentrent. Entre mes doigts, je crée un disque translucide qui croit lorsque j'écarte les mains. Il tourne sur lui-même au point de se troubler. Un cri m'échappe lorsque je lance de toutes mes forces le disque sur un tronc d'arbre. L'écorce se fend, l'arbre tombe dans une suite de craquements. Le sol tremble lorsque le boit se fracasse par terre. Trixie lève les mains vers la cime avec un grognement. Deux arbres se déracinent et s'allongent sur l'humus.

Les habitants de l'Arche et nos amis nous applaudissent. Pour pallier la soudaine explosion démographique qu'a engendrée l'arrivée des élèves de l'institut au village et qui nous oblige pour l'instant à vivre entassés les uns sur les autres, Wolfgang nous a demandé d'aller couper des arbres pour monter de nouveaux dortoirs sur le modèle des chalets canadiens. Pour ce faire, un architecte marqué nous accompagne afin de choisir les arbres aux troncs adéquats sans abîmer la forêt qui nous entoure et nous abrite.

— Eh beh, si vous êtes avec nous, ça va grandement nous faciliter le travail ! s'engoue l'architecte, Ben.

Nous hochons la tête. Habituellement, les habitants de l'Arche se munissaient de tronçonneuses et de scies. Avec Trixie et moi en tant que bûcherons, ils iront cent fois plus vite.

— Avons-nous suffisamment d'arbres ? demande Trixie en essuyant la sueur qui brille à son front. Je veux bien les transporter, mais s'il y en a trop, ce sera difficile de les faire passer entre les arbres encore debout sans faire de cette forêt une piste de bowling géante.
— Je pense que c'est un bon début, acquiesce le quarantenaire. Et puis, tu ne vas pas être la seule à tout porter. Comment faisions-nous avant toi ? demande-t-il en attrapant un morceau de tronc préalablement coupé.

Ben fait partie de ces marqués à la force herculéenne. Lui, ainsi que Julia, Tom et Nora — trois habitants de l'Arche aux muscles d'acier — débardent les troncs coupés jusqu'au village. Pendant ce temps, les autres se munissent de scies pour deux personnes ou de tronçonneuses. Moi, j'ai besoin de me défouler sur quelque chose avec mes boucliers aux allures de scie sauteuse. Je me sens frustrée à cause des gardes-chasse. Même la reprise intensive des entraînements matinaux ne suffit pas...

TRINITY - Tome 3 : Rencontre du troisième typeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant