[ 10 ] Patience, affaires et réunion de famille

20 2 0
                                        

[ Maison de la famille Del Rey, Rosario, Santa Fe, Argentine,
19 Avril 20**
19H26, heure locale ]

[ Trixie ]

Ayant ôté ma veste en cuir pour la poser sur l'accoudoir du canapé, j'observe attentivement le salon, dans lequel je suis assise depuis deux heures déjà. C'est la seule pièce que j'ai pu observer depuis mon arrivée, hormis la partie avant du jardin et l'entrée, mais je ne m'en lasse pas. D'une certaine façon, je suis fascinée par cet environnement que mes géniteurs ont créé, qui ressemble étonnamment aux souvenirs que j'ai de la maison que nous partagions à Montréal. Pour des fuyards, ce n'est pas très malin... Du tissu de maison dépareillé, une table basse en bois décorée d'un chemin de table en crochet, un tapis cache-poussière sans motif pour aller dans n'importe quelle pièce de la maison, des bibelots rappelant des voyages, des trophées sportifs ou intellectuels...

Apparemment, mon petit frère n'est pas le dernier des abrutis, entre les prix scientifiques qu'il a commencé à remporter à la middle school et ses trophées de baseball. En même temps, avec moi comme prédécesseure et des parents chercheurs, il a intérêt à ne pas être trop bête.

J'avise l'écran plat qui doit offrir de fameuses soirées télé, ainsi que la commode qui me fait penser que l'intégralité de mes effets personnels peuvent s'entasser dans ses tiroirs — ma moto exceptée. Mais cette commode supporte surtout une collection de photos de famille... Je me renfrogne et reporte mon regard sur le jeune homme face à moi.

— Tu as fini ton verre d'eau. Tu veux que j'aille t'en servir un autre ?

Ça se voit qu'il est mal à l'aise et veut fuir cette pièce, ou plutôt, notre tête-à-tête.

— Non merci, ne te dérange pas.

Mes yeux tombent sur la carafe vide. Et surtout, je vais courir pisser si je continue de boire de l'eau comme ça.

— J'attends juste que Conan et Johanna daignent pointer le bout de leur nez.
— Ils ne devraient plus tarder. Comme je te l'ai dit, mes parents finissent à dix-neuf heures aujourd'hui à cause de quelques heures sup', mais ils ont un peu de route avant d'arriver à la maison... enfin... Ouais, je te l'ai déjà dit, quoi, dit-il, mal à l'aise, en triturant machinalement son bonnet noir.

Sans détourner le regard, je lui fais un petit sourire rassurant, même si mon pied s'agite dans le vide, impatient de voir le couple arriver. La ressemblance entre lui et moi est indéniable. Je crois que c'est pour ça qu'il m'a laissée entrer lorsque je lui ai dit que sa grande sœur n'était pas morte à treize ans mais qu'elle se trouvait bel et bien en face de lui, en chair et en couettes.

Nous possédons tous deux un visage en forme de diamant avec des pommettes saillantes, une mâchoire étroite et ce petit menton, quoique sa mâchoire à lui soit plus imposante. Logique. La testostérone fait son office, quoi. Nous partageons ces traits anguleux et ces yeux gris-brun, sombres. Même sous le soleil argentin, sa peau est à peine bronzée. Son corps est sculpté par les activités sportives. La seule différence majeure est sa taille, bien plus haute que la mienne.

Je me souviens que Johanna est une grande femme, tandis que Conan fait quelques centimètres de moins. Il doit tenir de sa mère. Les quelques mèches de cheveux qui dépassent de son bonnet sont noires. D'un noir aussi profond que les cheveux de Johanna.

Je sais qu'il ment.

Le son de la clef tournant dans son verrou nous fait sortir de notre contemplation mutuelle et mutique. Le jeune homme sursaute et se lève d'un bond, comme s'il faisait quelque chose de mal, l'appréhension refaisant surface sur son visage harmonieux.

TRINITY - Tome 3 : Rencontre du troisième typeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant