TRINITY - Tome 3 : Rencontre du troisième type

[ 19 ] Voie lacté, tambour et marbre

[ île des Az'Driss, Triangle des Bermudes,
25 Avril 20**,
03H14, heure locale ]

[ Taima ]

Mon corps était vraiment en vrac après avoir autant vomi. Je frissonnais, des sueurs froides coulaient le long de mon échine, ma gorge me brûlait et une migraine avait pris ma tête en otage. C'était un peu comme une indigestion ou une réaction allergique... Mais cent fois pire...

Azaz m'avait ramenée dans ma chambre, bordé, donné de l'eau ainsi qu'un médicament en forme de petit cristal de sel. Je me suis endormie en un éclair, reconnaissante d'échapper à cet état maladif par le sommeil.

Toute la journée d'hier et d'aujourd'hui, Azaz a essayé de me trouver du sang qui me conviendrait parmi les différentes populations de l'archipel. Il a d'abord demandé de l'aide à son clan, se disant que c'était peut-être son groupe sanguin qui posait problème, mais j'ai vomi pour les trois groupes sanguins que possèdent les Ases. Alors, Azaz est allé demander de l'aide auprès de volontaires d'autres clans, aussi bien chez les Az'Soll que chez les Az'Gaïa, les Az'Skôlk, les Az'Vlow et les Az'Tyx dont a accouru Kih'Daï. Rien ne m'a convenu. Mon corps a rejeté tout type de sang, qu'importe le clan...

La brise souffle dans mes cheveux. Je ferme les yeux, me délecte de ce souffle rafraîchissant qui frôle mes oreilles. Des bruits de percussions, discrets, se font entendre depuis quelques heures, mais je n'y prête pas plus attention, trop fatiguée pour chercher le pourquoi du comment. Accoudée à la rambarde en ivoire détaillée d'argent, je lève mon visage vers le ciel. La Voie lactée, bien visible, coupe le ciel nocturne en deux. J'ai essayé de reconnaître les constellations, mais sous l'équateur, elles semblent disposées différemment. Je pense avoir seulement repéré l'étoile du berger.

Dans ma vie, je n'aurais jamais passé autant de temps à observer une cité en contre-bas, ou le ciel et ses astres en hauteur... L'inquiétude me pèse, alors mon esprit tente de s'évader. Des lueurs chimériques et inatteignables sont une parfaite échappatoire. En plus, je dors mal, donc j'ai encore plus de temps à tuer... ou plutôt de temps qui me tue.

Azaz m'a promis qu'il allait me trouver du sang humain, mais il a besoin de temps pour organiser son voyage. Probablement en Floride. Actuellement, c'est le plus proche, à ce qu'il m'a dit. Même lorsqu'il venait me rencontrer, à l'époque où je le croyais humain, Azaz ne s'est jamais aventuré sur le continent sans une préparation minutieuse, de peur que le moindre détail, la moindre négligence ou distraction ne trahisse sa véritable nature et ne lui cause, ne leur cause, d'énormes problèmes.

Je dois prendre mon mal en patience, compenser le manque de sang avec du sommeil qui ne veut pas de moi et de la nourriture inconnue.

Mon estomac gronde. Mes doigts agrippent mon ventre, oubliant un instant les cicatrices encore sensibles qui s'y trouvent. J'ai mal à l'estomac, comme s'il se tordait et se ramassait sur lui-même. Mes canines jaillissent de mes gencives. L'échine ployant sous le poids de ma nature, je m'appuie contre la rambarde. Mon front accueille avec une montée de fièvre la froideur du métal. J'écrase mes paupières les unes contres les autres et respire lentement. Ces espèces de crises ne me sont arrivées, heureusement, que lorsque j'étais seule. Mais elles sont de plus en plus fréquentes...

Je me mords la lèvre inférieure. Que faire ? Je ne peux pas rester dans cet état. Je ne peux pas rester ici. Mes poings se serrent, mes ongles s'impriment dans les paumes de mes mains moites.

Cette idée me traverse à nouveau l'esprit. Je ne sais pas si c'est une bonne idée, si je réfléchis encore avec discernement dans mon état. Je sais seulement que j'étouffe, que j'ai peur, que je dois trouver quelque chose. Soudain résolue, je tourne les talons, rentre à l'intérieur de ma chambre, repousse le rideau qui cache l'armoire encastrée dans le mur de nacre. Maintenant que l'île entière pense que je veux rester enfermée au sommet de ma tour, d'une part à cause des révélations d'Azaz sur l'origine des marqués, d'autre part parce que je suis affaiblie par le manque de sang, personne ne s'attendra à me croiser dans les ruelles.